Toaka gasy : Nectar des Dieux et gueule de bois
15 septembre 2016 - TraditionsNo Comment   //   9454 Views   //   N°: 80

Culte des ancêtres, rites familiaux, tout est occasion pour boire un petit voire un grand coup. Le « toaka gasy » (rhum artisanal) tient une place prépondérante dans ces pratiques traditionnelles. Pas toujours avec modération, là est le hic.

Selon Serge Henri Rodin, membre titulaire de l’Académie malgache, « le toaka gasy, ce rhum obtenu par fermentation et distillation du jus de canne à sucre, est intimement lié aux traditions malgaches en raison de sa portée symbolique ». Il faut ainsi savoir que le fary (canne à sucre) est la représentation de la masculinité. Issu de cette plante sucrée, le toaka gasy a longtemps été qualifié de rano mahery (littéralement eau forte), une boisson depuis toujours liée à la sacralité. « Dans les régions est, ouest et sur les hauts plateaux, on l’utilise dans le rite d’inauguration qu’on appelle Santatra. On verse un peu de rhum local sur le sol avant de commencer un chantier par exemple. Ensuite, on fait la fête en buvant le reste », explique notre interlocuteur.

Pour les Malgaches, si le corps des défunts est à six pieds sous terre, leur esprit en tant que razana (ancêtres) est toujours bel et bien présent, avec le pouvoir de veiller sur les descendants. « Les esprits aiment la saveur et la chaleur. Voilà pourquoi on utilise le toaka gasy pour rendre hommage aux ancêtres », explique Antoine Rakotoasimbola, étudiant-chercheur. Un de ces rites consiste à verser de l’alcool sur le zoro firarazana (côté nord de la maison) avant de boire, c’est la part réservé aux ancêtres.

Le toaka gasy coule évidemment à flots lors des différents rites locaux liés à la célébration des ancêtres royaux et familiaux. « On peut citer les Tsanga-tsaina (Nord), Fanompoam-be (Nord – ouest), Fitampoha (Est), Alahamady be et Fandroana (Hautes terres), toujours accompagnés d’une forte consommation d’alcool », précise Serge Henri Rodin. L’alcool est alors synonyme de convivialité et de solidarité. Durant les rites familiaux du famadihana (rite d’exhumation), on peut apercevoir la centaine de bidons jaunes remplis d’alcool qui envahit le moindre village entre juin et septembre. Au cours d’une soirée de famadihana, un des organisateurs annonce : voici du rhum pour demander la bénédiction (toaka angataha-tsodrano). Les festivités se déroulent alors sur environ trois jours avec chants, danses et alcool à gogo.

Le toaka gasy tient également une place importante dans ce qu’on appelle le « don et contre-don ». La boisson sacrée fait là aussi objet d’offrandes. « Dans la communauté Bezanozano, au lieu de donner de la viande de zébu lors du fora zaza (circoncision), on offre du toaka gasy », précise Antoine Rakotoasimbola. Chez les Zafisoro, on offre du toaka gasy dans des dames-jeannes au nouveau roi. Bien que la vente du toaka gasy soit interdite à cause de son taux d’alcool pouvant atteindre les 75 degrés, cette boisson reste profondément ancrée dans les cultures malgaches. Le tout, comme en toutes choses, étant de n’en pas abuser.

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