SOS Tortues : Le trafic de la honte
Tortues radiées du sud, tortues à soc du nord-ouest… ces deux populations endémiques de Madagascar sont aujourd’hui menacées d’extinction. Principaux prédateurs : les braconneurs locaux et les trafiquants internationaux.
La grande île abrite cinq espèces endémiques de tortues terrestres dont deux au moins figurent parmi les plus menacées de la planète. Certains observateurs parlent même de disparition « imminente », en raison du trafic intense dont elles sont aujourd’hui l’objet. Les tortues radiées (Astrochelys radiata ou Sokake), endémique du sud, sont les plus braconnées, mais guère plus en proportion que leurs cousines du nord-ouest, les Angonoka ou tortues à soc (Astrochelys yniphora) qui vivent dans les bambous de la baie de Baly, près de Soalala. Pour ces dernières, les chiffres sont particulièrement alarmants : d’après une étude de 2011, leur population aurait été réduite de moitié en deux ans, étant passée de 400 à environ 200…
« On craint que l’espèce finisse par disparaître si rien n’est fait pour mettre fin au trafic », s’inquiète Hasina Randriamanampisoa, responsable communication et logistique de Durrell, une ONG spécialisée dans la conservation des espèces menacées d’extinction et très impliquée depuis une décennie dans la protection des tortues Angonoka.
Très prisées comme animaux de compagnie, les tortues de Madagascar sont particulièrement recherchées en Asie du Sud-Est, malgré que leur commerce soit passible de poursuites en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction. Un trafic à grande échelle qui semble avoir démarré vers 1995, mais qui aurait pris des proportions énormes dans les années 2000, en raison de l’instabilité politique et de la corruption.
En juin 2010, par exemple, ce sont 300 tortues de Madagascar qui sont saisies à l’aéroport international de Kuala Lumpur, en Malaisie. Enfermées dans deux valises qui contiennent également de la drogue, elles se composent de 285 tortues radiées, de 14 tortues araignées (Pyxis arachnoides ou Kapika) et d’une petite tortue Angonoka. Il est évident qu’elles proviennent d’un réseau de trafiquants particulièrement bien organisé. Et on comprend pourquoi : un beau spécimen de tortue radiée peut se monnayer jusqu’à 1 700 $ en Asie, mais plus de 4 000 $ une fois réexporté un peu partout dans le monde. Pour cela, les trafiquants n’hésitent pas à se servir de l’e-commerce.
« À Tana, une tortue volée peut se vendre 300 000 ariary, c’est assez pour susciter la convoitise des braconneurs », explique Hasina Randriamanampisoa. D’autant que les systèmes de contrôle au sein des centres d’élevage officiels, à Ampijoroa pour les Angonoka ou au village SOS Tortues de Mangily pour les tortues radiées, s’avèrent souvent inefficaces, faute d’effectifs. « Nous collaborons beaucoup avec les habitants de Soalala ; ils savent qui trafique, mais ils craignent les représailles », précise le responsable.
Pour dissuader les vols, des mesures d’identification ont été imaginées. « On a commencé par des encoches sur les carapaces, mais les trafiquants ont paré le coup en les recouvrant de bois. » C’est alors que la solution des micropuces est apparue.
L’informatique au secours des tortues ? C’est en tout cas ce qu’espère Durrell qui depuis 2005, tente de réintroduire les Angonoka dans leur habitat naturel, au sein du parc national de la baie de Baly. « Les spécimens dont la carapace a atteint les 20 cm de longueur sont relâchés car on estime que les individus de cette taille peuvent survivre seuls, sans assistance ». En mars dernier, Henri Rakotosalama, responsable du site de lâcher de Beaboaly, a même découvert deux nouveau-nés. « Ce sont les descendants des premiers spécimens élevés en captivité, en 1986. Il a fallu 25 ans, mais ça a marché ! »
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