Sitrakiniaina : Faites vos jeux !
3 janvier 2013 - MétiersNo Comment   //   1690 Views   //   N°: 36

Kermesses et fêtes foraines ne seraient rien sans ces jeux de hasard où la foule endimanchée aime à parier quelques sous. C’est là qu’intervient Sitrakiniaina, le lanceur de dés. « Sur dix parieurs il y a toujours un heureux, mais le reste c’est pour moi », aime-t-il à dire. Comme quoi le hasard fait bien les choses ! 

Si la vie est un jeu, Sitrakiniaina en est à coup sûr le maître de cérémonie. Du moins dans le cadre des fêtes foraines, kermesses et autres foires villageoises qu’il lui arrive d’animer tout au long de l’année. Son rôle ? Faire jouer les parieurs à l’un de ces kodialy (jets de dés) où la foule du dimanche aime à s’agglutiner. Pas une vocation le jeu pour ce petit gars d’Ambositra, père de deux enfants, qui a dû apprendre très tôt à se débrouiller seul. « Comme je n’étais pas très bon à l’école, mon père m’a appris ce métier. À part le braquage de banques, il n’y a pas moyen de se faire de l’argent plus facilement, me disait-il… »
C’est ainsi qu’à 14 ans, il commence à appendre tous les « trucs » du tourniquet et autres jeux de mains (jeux de vilains ?) pratiqués dans toutes les kermesses. Aujourd’hui, comme les barmans jonglant avec leurs shakers, lui n’a pas son pareil pour manipuler sa boîte de lait concentré vide au fond de laquelle trois dés reposent. Il agite très fort la boîte en esquissant une danse de Sioux sous les regards tétanisés du public. Quels numéros vont sortir ?
Les parieurs posent leur argent dans les cases numérotées de 1 à 6 et croisent les doigts. Cris de joie dans l’assemblée, un quidam en costard très années 70 a les trois numéros et empoche son gain sous les applaudissements. Sitrakiniaina sourit. Quelle que soit la somme à reverser, il sera toujours le grand gagnant, raflant systématiquement la mise des perdants. « La dernière fois, lors de la fête nationale à Ambohidratrimo, j’ai empoché plus de 30 000 Ar en l’espace de deux journées ».
« C’est à la fois un art et un spectacle », admet-il en comptant sa recette. D’autant que Sitrakiniaina n’hésite pas à truffer sa prestation de bouts rimés pour inciter les jolies filles à miser. « Aiza ianareoo ry mamozely ? / hatsipiko izao ny kodia kely / Tandremo tomany raha tsy mahazo / Fa ilaozanareo mihazohazo (Où êtes-vous les demoiselles parce que je vais lancer les dés/Vous passez votre temps à hésiter/Ne pleurez pas si vous perdez) ».
« Sans ces poèmes, ma table de jeu serait vide. La concurrence est rude, alors il faut savoir se distinguer », commente-t-il. Sitrakiniaina est dans ce circuit depuis sept ans. En parallèle, il tient une petite épicerie à Ivandry. Enfin, plus sa femme que lui car de par son métier, il est toujours sur la route. Sac à dos, table pliable sous le bras, il sillonne la périphérie de la capitale jusqu’à Ambatolampy et Antsirabe, au gré des événements locaux. « Là où il y a une fête, j’installe ma table et tout le monde peut jouer ». De l’argent gagné à la loyale, insiste-t-il même si les mauvais perdants ont tendance à insinuer qu’il pipe ses dés. « Pourquoi tricherais-je ? Les mises n’excèdent pas 50, voire 10 Ar », répondil en haussant les épaules. Le plus avantageux pour lui est de s’en remettre au hasard puisqu’il y a toujours plus de perdants que de gagnants. Telle est la dure loi des loteries ! 

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