Ranomena : Panacée 100% gasy
3 juillet 2014 - MétiersNo Comment   //   9812 Views   //   N°: 54

En cette période de grand froid, le Ranomena est l’un des médicaments les plus recherchés par les Malgaches auprès des tradipraticiens. Fabriqué à base de cendres d’os de zébus, il est réputé pouvoir tout guérir. C’est ce qu’explique Merline qui le distille depuis deux décennies. 

Ranomena signifie littéralement « eau rouge » en raison de la couleur peu engageante de cette potion magique, rehaussée d’une odeur, il faut bien le dire, peu ragoûtante. Tel quel, c’est pourtant l’un des médicaments traditionnels les plus anciens, et surtout le plus utilisé jusqu’à aujourd’hui. Tenu comme une véritable panacée, cet élixir guérit à peu près tout : en l’inhalant, la grippe, la sinusite, la migraine; en s’en servant comme huile de massage, les problèmes musculaires, les entorses, les courbatures…

Depuis plus de vingt ans, Merline une solide quadragénaire de la commune d’Andriampamaky (sur la Nationale 1), vit de la distillation de cet élixir, un business qui lui vient de ses parents. « Auparavant, j’en produisais jusqu’à 50 litres par semaine. Mais depuis quelques années, la demande fléchit, sans doute à cause de la concurrence qui n’arrête pas de grandir. » Et de regretter, sanglots dans la voix, l’époque bénie où elle était la seule à fournir tout Tana. Ce n’est plus le cas depuis que des petits malins d’Antanifotsy (sur la Nationale 7) ont décidé eux aussi de se lancer dans le Ranomena. « Tout le monde sait pourtant que le meilleur est distillé chez moi, dans le respect absolu de la recette ancestrale », soupire-t-elle.

L’odeur écoeurante du Ranomena provient sans doute de ce qu’il est obtenu par la distillation de la cendre d’os de zébus. Environ 20 kilos d’os pour obtenir dix litres de potion, précise Merline. Ses enfants sont chargés de les ramasser dans les hotely (restaurants), à moins d’aller se servir directement dans les décharges publiques. Bref, une activité qui n’est pas de tout repos, et de moins en rentable à en croire Merline qui vend son élixir 1 000 Ar les 100 ml. Ses déboires ont en fait commencé quand un laboratoire pharmaceutique bien connu a cessé de s’approvisionner chez elle. « Je ne sais pas s’ils ont trouvé un autre fournisseur ou s’ils le fabriquent eux-mêmes, toujours est-il que les temps sont durs », se lamente-t-elle de plus belle.

Si sa famille continue à en produire, c’est d’abord pour les produits dérivés, le résidu de la distillation pouvant en effet servir à l’alimentation animale ou encore de zezika (engrais). « C’est très efficace comme engrais ! Notre production de légumes, maïs et haricots, est quatre fois plus importante que la normale depuis qu’on utilise le Ranomena », faitelle savoir. C’est un missionnaire italien qui lui a soufflé cette méthode. Elle ne peut que s’en féliciter.

Certains font valoir que les vols d’ossements humains qui ne cessent de défrayer la chronique depuis des décennies auraient à voir avec la fabrication de Ranomena. Une accusation que Merline balaie d’une moue indignée : « C’est du pur dénigrement ! La substance qui rend le Ranomena si efficace ne se trouve que dans les os spongieux des zébus. On n’en trouve pas dans les os de cochons, de poulets et encore moins dans les os humains. » À bon entendeur ! 

Solofo Ranaivo

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