Projet Baobab : Le chant des baleines
18 août 2013 - NatureNo Comment   //   1199 Views   //   N°: 43

Serons-nous capables de retranscrire un jour la partition du fameux chant des baleines ? C’est en tout cas l’un des enjeux du projet Baobab dont les neufs hydrophones enregistrent en permanence à 30 mètres de profondeur le son des baleines à bosse de Sainte-Marie. 

En 2012, le Centre de neuroscience Paris-Sud (CNPS) et l’association CétaMada lancent en collaboration avec des acousticiens et logisticiens le projet Baobab (Balise et acoustique pour l’observation des baleines à bosse). Un programme d’envergure étalé sur trois ans, comprenant la pose de balises dans les eaux de Sainte- Marie, l’étude acoustique des baleines par le biais d’hydrophones, ainsi que des prélèvements de leurs tissus pour l’étude microscopique (biopsies). L’appareil à enregistrer le son des baleines s’appelle un hydrophone. Il a tout intérêt à être waterproof, devant être posé à 30 mètres de profondeur sous l’eau, là où les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) aiment à pousser la chansonnette. « Il s’agit d’un enregistreur particulièrement sensible, muni de deux micros de 100 mètres de long, fonctionnant 24 heures sur 24 », explique Anjara Saloma Vola, la responsable scientifique de l’association CétaMada. Alors que les hydrophones ancienne génération nécessitaient le ramassage des données toutes les 72 heures, avec ce nouveau matériel les sons peuvent être écoutés tranquillement en temps réel depuis la terre, progrès notable ! 

La mise en place du projet est supervisée par Olivier Adam, acousticien spécialiste des baleines. L’installation est loin d’être une partie de plaisir : « Nous avons dû traîner un câble de 700 mètres depuis la côte et le descendre à 18 mètres de profondeur, ce qui demande de sérieuses compétences en matière de plongée sousmarine. » Trois réseaux d’appareils répartis sur trois sites, soit neuf hydrophones en tout, constituent l’appareillage acoustique de Sainte- Marie. À noter que ce sont les premiers de tout l’océan Indien à être posés dans le cadre du projet Baobab. Normal, le canal de Sainte- Marie est de loin l’endroit le plus fréquenté par les grands cétacés, qui s’y reproduisent en nombre de juillet à octobre avant de repartir pour les eaux glaciales de l’Antarctique. On en dénombre 1 200 par saison. 

Depuis la première installation réalisée l’an passé, 20 heures d’enregistrement exploitables ont pu être récupérées. Le chant des baleines, plus précisément les sons que s’échangent les grands cétacés pour communiquer entre eux, est analysé sur place par un jeune chercheur en la personne de Yann Doh. 

Le plus difficile est d’isoler les bruits ambiants, ceux de la mer et des récifs, avec des logiciels de nettoyage du son, car au niveau du traitement tout se fait par ordinateur. Le chant est lui d’un volume si élevé qu’on peut en sentir les vibrations à 10 mètres sous l’eau, en croisant dans le parage des baleines. La signification de ces sons est encore mal connue. Y compris leur production puisque les baleines à bosses (de la famille des baleines à dents ou mysticètes) sont totalement dépourvues de cordes vocales et de lèvres phoniques : tout se passe donc au niveau du larynx. Le mâle chante pour séduire sa femelle et sa lancinante mélopée peut être captée à plusieurs milliers de kilomètres. La femelle, de son côté, mesure la puissance du mâle par la portée de son chant. 

Curieusement, d’un endroit à l’autre, voire d’un individu à l’autre, la tonalité du chant varie, signe d’une production « intelligente » que les scientifiques sont bien en peine d’expliquer. Quant aux vertus thérapeutiques du chant des baleines, antistress notamment, là aussi bien des choses restent à éclaircir : « Des centres de yoga s’en servent comme fond d’ambiance, mais ce n’est pas une preuve scientifique », considère Anjara Saloma Vola. Attendons donc. 

Joro Andrianasolo

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