Pourquoi ? C’est la question que les gens comme nous se sont posée au moment où nous avons senti ce sentiment étrange naître en nous. Un pourquoi avec un grand P. P comme… président, comme papa ou comme… pédé !

Eh oui P comme pédé. Certes, ce mot est cru, péjoratif, et n’a jamais été prononcé avec douceur quelles que soient les circonstances ! Mais d’où vient ce mot d’abord ? J’ai cherché un dictionnaire et je suis tombé sur le Petit Robert.

C’est l’abréviation du mot « pédéraste », un nom masculin venant du grec paiderastês, qui définit un homme qui a des relations sexuelles avec de jeunes garçons ou avec d’autres hommes ! Si ce mot figure dans le dico, c’est que la pratique existait bel et bien.

Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Après tout, il n’y est pour rien ce grand sportif de notre lycée ; sauf pour son physique qui m’attire et me fait vibrer ! Il se passe quelque chose d’étrange dans mon organisme, une sorte de réaction biologique déclenchée par sa simple présence.

Une réaction difficile à définir. Le fait qu’on appartient tous les deux au même sexe me stimule. Son défi sera le mien, quitte à former une seule équipe pour triompher. Faire tout le maximum pour avoir son estime. Ce regard, ponctué de sourire et de temps en temps quelques accolades constituent ma plus grande récompense.

Jusque là, c’est le cas de tout le monde, de toute l’équipe ; mais moi, une certaine envie de le connaître mieux que quiconque commence à envahir mon esprit. J’ai besoin de savoir où se trouvent son quartier, ses potes, sa date de naissance, là où il se trouve en dehors des cours, sa musique préférée…

Tout, enfin presque. Et comme par instinct, j’évolue positivement dans ma démarche. Et chaque élément obtenu me rend fier de moi. Au moins, je commence à mieux connaître cet être qui me fascine étrangement. Une sorte de petit soulagement de celui qui est attiré par la Lune, et qui, finalement en arrive à connaître ses différentes phases, sa position dans le temps et dans l’espace, les astres qui tournent autour.

Mais rien de sa composition. Est-ce qu’elle est dure ou molle, chaude ou froide ? Est-ce qu’on pourra un jour la toucher ? Est-ce dangereux ? Et quelles sont les précautions à prendre ? Pourra-t-on y vivre un jour ? La distance à parcourir et les moyens à déployer pour y arriver ? Tout compte fait, c’est bien compliqué et risqué. Pour l’instant, je me contente d’admirer son évolution.

Au moins, je sais que le moindre de ses changements me fait de l’effet. Que je serais capable de rester une nuit entière dehors pour l’admirer et voir ses humeurs. De souffler d’un coup les nuages qui se mettraient entre ma « Lune » et moi. Et au moment où elle disparaît, c’est tout mon univers qui sombre dans le noir ! Cette fois, c’est confirmé, je suis attiré par une 178 personne du même sexe que moi.

Eh oui, un pédé ! Mais j’essaie de faire résonner ce mot avec douceur dans ma tête, parce que désormais les autres prendront un malin plaisir à me le crier avec force pour me blesser et à me poser à leur tour la vilaine question : « pourquoi ? », à laquelle je n’ai pas encore trouvé de réponse rationnelle. Mais pourquoi la société a-t-elle tant de mépris envers les gens qui ont une pulsion comme la mienne ? Au fur et à mesure que j’approfondissais mon questionnement, j’ai senti une sorte d’angoisse m’envahir.

Comme si toutes ces lettres qui forment le mot « pourquoi » avaient pris une certaine proportion ; comme si elles devenaient progressivement des majuscules avec un caractère gras jusqu’à avoir une autre dimension version 3D ! Un « pourquoi » délicat et tabou que je n’oserais pas poser à mes proches, même pas à mes parents.

Contrairement à tous les changements que j’ai sentis en moi, sur mon corps juvénile, comme les poils sur les parties intimes, la mue de ma voix et auxquels mon entourage a des arguments bien définis, mon pourquoi à moi, personne n’en parle. Pour l’instant, je dois enfouir ce sentiment au plus profond de moi et espérer que ça va passer, vu mon jeune âge.

Donc, je me suis résolu à travailler dur et à exceller dans beaucoup de domaines à l’école. De continuer à vivre comme Monsieur tout le monde ou presque pour mettre au dernier plan ce vilain « pourquoi ». Un pourquoi tenace qui m’interpelle assez souvent. La seule chose que j’ai pu faire c’est de regarder autour de moi, de trouver une autre personne qui vit la même chose que moi, et lui poser à mon tour le fameux « pourquoi ».

A deux, on aura plus de chance de trouver une réponse valable au moins ! Pourquoi ne pas demander à ma « Lune », celui qui a fait naître ce désir en moi ? J’ai pris mon courage entre les mains et je suis parti à sa rencontre.

J’ai bien choisi l’occasion où il était tout seul, à la sortie des cours pour rejoindre notre quartier. J’ai senti qu’il était à l’aise en ma compagnie, qu’il rigolait, et discutait de tout et de rien. Et au moment où je me suis senti prêt à cracher le morceau, il a sorti un magazine de son sac à dos, me l’a passé en me disant « ça pourrait te faire plaisir ».

C’était un magazine de cul hétéro. Nous avons cherché un endroit discret pour pouvoir le feuilleter. Et à chacune des photos, il me demandait si j’avais déjà pratiqué la même chose. Jusqu’à la dernière page, ma réponse fut non. Et soudain, il a pris ma main qu’il a posée sur son sexe déjà dur… J’ai pu vivre ma première expérience sexuelle entre hommes avec fierté.

Avant de se quitter, il m’a formellement prié de garder ça entre nous ! C’était tellement bien que j’avais oublié de demander pourquoi ? C’est donc ce bonheur éphémère la réponse ? Une réponse que je ne pouvais pas définir comme amour parce que, paraît-il, c’est interdit et que je dois tenir secret ! Alors… ça y est, ça recommence : pourquoi ?

par Von