Opus 106
5 janvier 2016 - Cultures Music MusiquesNo Comment   //   3842 Views   //   N°: 72

Hommage à Lucien Emmanuel Randrianarivelo 

Lucien Emmanuel Randrianarivelo a tiré sa dernière révérence le 4 novembre 2015. C’est à l’immense musicien qu’il était, pilier de la musique classique à Madagascar, que je voudrais rendre hommage aujourd’hui. 

Le nom de Lucien Emmanuel Randrianarivelo est souvent associé à la version transcrite en « Sol-fa » et traduite en malgache du Messiah de G.F. Händel. Pour la petite histoire, le Sol-fa était le système de notation musicale enseigné aux chanteurs et aux chorales depuis l’époque de la royauté – les instrumentistes, eux, apprenaient la musique sur la base du solfège.
Aujourd’hui encore, le Sol-Fa reste le langage commun de toutes les formations chorales de Madagascar, et la transcription de Lucien Emmanuel Randrianarivelo (la première édition datant du 30 septembre 1966) est encore abondamment utilisée par les chœurs malgaches. Mais si le Messiah de Händel est le plus populaire des recueils traduits et transcrits par Lucien Emmanuel Randrianarivelo, il ne s’agit là que d’une infime partie de son travail. 

On peut encore compter, entre autres : Die Shöpfung de J. Haydn (1970), Matthäus-Passion de J.S. Bach (1977), le Requiem de Mozart (2002)… pour ne citer que les œuvres intégrales. En effet, notre homme a, toute sa vie, contribué à l’éducation artistique de la jeunesse malgache en rendant les trésors de la grande musique accessibles aux musiciens et au public.  

Lucien Emmanuel Randrianarivelo est né le 25 décembre 1925. N’ayant pas connu son père (décédé alors que sa mère était enceinte de trois mois), c’est son grand-père, Ratany (1856-1944), compositeur et professeur de musique au Palais de la Reine, qui s’est chargé de son éducation. Après une scolarité remarquable à l’école de la Mission Protestante Française, puis au Lycée Paul Minault à Ambohijatovo Ambony, il embarque pour la France, et y obtient son baccalauréat en 1951. Il entreprend des études de Lettres et de Droit à la Sorbonne, et de Théologie à la Faculté protestante de Paris. C’est pendant cette période que notre Händel malgache (un surnom instauré par l’un de ses neveux et aussitôt adopté à l’unanimité !) découvre les grands chefs-d’œuvre de la musique classique, en intégrant le Chœur Philharmonique de Paris, sous la direction de Sir Edmund Pendleton.
Après la France, c’est la Suisse qui l’accueille. Il y passe trois années pour terminer ses études de théologie, en même temps qu’il chante dans le chœur de la Société sacrée J.S. Bach de Genève.
De retour à Madagascar en 1959, outre ses diverses attributions au sein de la communauté, Lucien Emmanuel Randrianarivelo reprend ses fonctions d’organiste à l’église anglicane d’Ambohimanoro. De 1970 à 1975, il anime des émissions de musique classique à la Radio Universitaire ainsi qu’à la Radio nationale malgache.
Par ailleurs, de 1965 à 1985, il dirige l’Orchestre Symphonique d’Antananarivo, avec les Chœurs des Sept Eglises spécialisés dans les grandes œuvres de la musique sacrée. En 1999, il est reçu à l’Académie nationale malgache pour l’ensemble de son travail : 25 publications littéraires (dont le fameux Ratany, Mpampianatra tao Anatirova, ary ny tantaran’i Madagasikara de 1 528 pages paru en 2004 chez New Print), et 48 transcriptions musicales et traductions de chefs-d’œuvre de la grande musique. Enfin en 2013, il est nommé Commandeur de l’Ordre des Arts, des Lettres et de la Culture.

Essayer de synthétiser 90 ans de la vie d’un homme tel que Lucien Emmanuel Randrianarivelo en quelques paragraphes est un exercice périlleux, surtout quand on sait ce qu’il a apporté personnellement à la plupart des musiciens classiques de Madagascar. Pour ma part, je lui dois mon premier instrument de musique, un joli piano droit Kawai ! Il aura à tout jamais ma reconnaissance.

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