Omer Kalameu « La peine de mort n’a jamais été la solution »
4 janvier 2016 - AssociationsNo Comment   //   2728 Views   //   N°: 72

Madagascar a voté l’abolition de la peine de mort le 12 décembre 2014. Un an après, Omer Kalameu, conseiller aux droits de l’Homme auprès des Nations Unies, dresse un premier bilan. Dans un pays où la « justice populaire » continue à tuer, il reconnaît que la « culture des droits de l’Homme » n’est pas encore assez ancrée dans les mentalités.

Pouvons-nous revenir sur les conditions qui ont amené Madagascar à voter l’abolition de la peine de mort ?
Les pays commencent par signer les traités internationaux avant d’adopter la loi au plan national, mais Madagascar a choisi la voie inverse. Un grand colloque organisé par le ministère de la Justice, la Primature, les parlementaires, les Nations Unies et l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture s’est tenu le 10 octobre 2014. Ce colloque a abouti à un Plan d’action pour l’abolition de la peine de mort. Nous avions prévu 365 jours d’action pour faire adopter cette loi, mais deux mois ont suffi pour la faire passer. Il faut saluer cette performance. 

Est-que cette loi s’intègre à la culture malgache ? On constate qu’un droit coutumier applique toujours la peine de mort…
La culture des droits de l’Homme n’est pas suffisamment ancrée dans la société malgache. Le droit coutumier est toujours présent car le système judiciaire est corrompu et la population n’a plus confiance. Selon nos enquêtes, il existe en moyenne deux cas de justice populaire par semaine sur l’ensemble du territoire. Ca se termine souvent par la mort des individus, au risque d’erreurs judiciaires car ici la présomption d’innocence ne fonctionne pas. La zone rurale est la plus touchée puisque l’Etat n’y est pas présent. La justice populaire y règne parfois avec l’aval des groupes d’autodéfense locaux. Nous aurions dû commencer par la sensibilisation de la population au lieu de passer directement à la proposition de loi. Je reconnais qu’il y a là un problème de méthode.

Certains pensent que pour garantir la sécurité, la peine de mort est nécessaire. Qu’en pensez-vous ?
La peine de mort n’a jamais contribué à la baisse de l’insécurité. La sécurité se définit à trois niveaux : être à l’abri du besoin, de la peur et de la discrimination. La peine de mort n’agit sur aucun de ces critères. Je dirais même que le maintien de la peine de mort aggrave l’insécurité, crée la méfiance et la haine. Il y a des grands pays qui appliquent encore la peine de mort, leur taux de criminalité connaît une hausse exponentielle.

Que deviennent les condamnés à mort  avec cette loi ?
Ils ont vu leur peine se transformer en réclusion criminelle à perpétuité. Mais rappelons qu’il n’y avait plus d’exécutions capitales depuis 1958. Cette loi marque une avancée historique pour le renforcement de l’Etat de droit à Madagascar. En terme d’image, les répercussions sont évidentes au plan international. Le pays renoue ainsi avec ses valeurs fondamentales, le respect de la vie, la tolérance et l’amour du prochain. L’abolition de la peine de mort installe enfin un environnement favorable aux affaires. Il nous reste tout un travail à faire pour que la population comprenne bien tous les enjeux de cette loi.

Retrouvez Prisca Rananjarison dans l’émission Assos tous les dimanches à 10 heures sur la RLI FM 106, rediffusions partielles tous les matins à 8 h13. 

Propos recueillis par #PriscaRananjarison

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