Nous n’irons plus au bois
1 février 2016 - FombaNo Comment   //   1950 Views   //   N°: 73

En février, le reboisement fait partie des obligations des ministères et des fonctionnaires du bas jusqu’au sommet de l’Etat. Le motif du pique-nique, car il s’agit d’un pique-nique plus qu’autre chose, le motif est simple : il faut rétablir la couverture forestière dévastée de la Grande Île et pour ce, l’exemple doit venir d’en haut. Le peuple suivra, pense-t-on avec ingénuité.

Depuis la Première République, les sous-préfets vont au champ, écrivait Alphonse Daudet. Mais, ils y allaient, à lire le Daudet des manuels de lecture, pour écouter les oiseaux chanter, rêvasser et versifier. Par chez nous et à notre époque, on annonce en grands tralalas au retour de la sortie que quelques centaines de plants ont été mis en terre. On ne sait jamais ce qu’il en restera d’ici un an ou deux, car sitôt plantés on les oublie vite dans les petits trous creusés par les campagnards du coin. On ne peut fatiguer Président de la République, Premier ministre et hauts fonctionnaires à faire des trous. Sauf pour les besoins des photographes et caméramans. L’essentiel dans ces sorties, c’est cette espèce de familiarité entre patrons et employés flagorneurs qui attendent l’enveloppe ou les dives bouteilles et sandwichs de rigueur. 

Pour la fameuse couverture forestière, elle peut toujours attendre. Nous y sommes, car c’est bien dans la ligne du mora mora, le tout doux, tout doux national. Il n’y a pas le feu.

« Oviana no ho lany ny ala atsinanana eh ! » Quand donc disparaîtra la forêt de l’Est ? (Traduction libre). Jamais, sinon à la Saint-Glinglin. On comprend très vite cette phrase devenue dicton, quand on descend vers la côte Est par le train. Jusqu’à l’horizon, tout est collines et moutonnements verts inextricables. Par son immensité, la forêt de l’Est représente l’idée d’éternité dans l’imaginaire collectif des Malgaches. C’est sans doute pourquoi ils brûlent les arbres sans états d’âme. Il y aura toujours la grande forêt de l’Est pour suppléer n’est-ce pas ? Elle ne peut disparaître. Qui ne l’a pas contemplé ne peut comprendre ce qu’immensité veut dire ni comprendre les liens étroits qu’elle entretient avec l’idée d’éternité.

Mais, l’avion vient relativiser cette belle idée d’indestructibilité et d’immuabilité qui conforte les Malgaches dans leur confiance en la permanence d’un pays « béni » des dieux. Depuis là-haut on voit les terribles cicatrices latéritiques rouge sang laissées par les coupes et les feux illicites et irresponsables, autorisés car ni vus ni connus. La forêt éternelle est entrain de disparaître. Autres temps, autres moeurs. Le roi mythique Andrianampoinimerina était inflexible sur la protection des forêts. Pas un arbre ne devait être abattu ni même ébranché sans son autorisation expresse. Le contrevenant risquait la peine capitale. La Colonisation brandissait les travaux forcés contre les auteurs de feux de brousse.

De telles dispositions ont été gardées par la République, sauf que rien n’y fit. Les forêts de la Grande Île continuent de brûler ou, comme les bois de rose ou d’ébène, prennent allègrement le bateau, pour le Kenya, la Tanzanie, Singapour, ou la Chine surtout. Alors il faut reboiser ne serait-ce que pour arborer de pied en cap le dernier cri de la mode du sportwear en Amérique ou en France.

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