Ne tirez pas sur le pianiste
31 mars 2016 - CulturesNo Comment   //   1801 Views   //   N°: 75

Il fait partie de cette poignée de musiciens qu’on retrouve sur toutes les affiches de concerts classiques de la capitale ; ces artistes dont on ne peut se passer, et qui sont pourtant d’une grande discrétion. Rencontre avec un pianiste accompagnateur. 

Avril est là. Pour Hery Andrianirina, il est temps de s’installer pour faire une première lecture du paquet de partitions qu’il a reçues. Car il faut dès maintenant évaluer tout le travail qu’il aura à gérer avant l’arrivée de mai, la haute saison des concerts. En effet, les bons accompagnateurs se font repérer très vite et sont souvent inondés de boulot. Les solistes et chefs de choeur ne se demandent d’ailleurs jamais comment ces musiciens miraculeux font pour être si vite au point.

Pour faire ce métier, il ne suffit pas de savoir jouer du piano. Il y a des qualités fondamentales incontournables qui font, du reste, la différence entre les pianistes ayant la vocation pour l’accompagnement et les pianistes solistes. La première, c’est de savoir écouter l’autre. Avec humour, Hery Andrianirina dépeint le soliste comme quelqu’un qui, dans une conversation, parlerait sans arrêt tandis que l’accompagnateur serait plutôt l’interlocuteur qui sait se taire pour écouter l’autre. Le pianiste accompagnateur doit en outre avoir assez d’humilité pour soutenir complètement le soliste, et accepter de rester dans l’ombre dans les moments de gloire : « Lorsqu’un concert est réussi, les félicitations reviennent au soliste ; dans le cas contraire, la responsabilité est partagée ! »

La capacité d’écoute inclut chaque nuance du soliste, chacun de ses souffles. Le pianiste accompagnateur doit ainsi être apte à voir venir les éventuelles incertitudes de l’autre, et surtout à s’adapter pour que rien ne transparaisse aux oreilles des spectateurs. Cela implique parfois d’ajouter de nouvelles notes pour aider le chanteur à retrouver ses repères, parfois de sauter quatre mesures, ni vu ni connu, en cas de trou de mémoire du partenaire ! Mais heureusement, ce n’est pas toujours aussi casse-cou. Hery se rappelle des centaines de moments sublimes où des idées nouvelles sont apparues en plein concert, quand soliste et accompagnateur sont vraiment en osmose et portés par l’émotion.

Naturellement, l’accompagnement ne va pas sans un solide bagage technique et théorique. Pour Hery, « afin d’être bon en déchiffrage, vous devez pouvoir faire rapidement l’analyse harmonique de chaque pièce, et il est important d’être à l’aise dans la lecture verticale des accords ». Il soutient qu’avoir des connaissances sur la discipline qu’on accompagne est également un atout capital. Cela aide à comprendre ce qu’il est possible de réaliser ensemble. Car il ne faut pas oublier que l’accompagnateur fait office d’orchestre. Outre la responsabilité de la balance des nuances, il est aussi en charge de l’atmosphère de chaque morceau.

Si jusque-là, cela vous semble encore facile, pensez à un dernier détail : si vous ne pouvez pas travailler sous la pression, ce travail n’est peut-être pas fait pour vous ! Le plus dur dans l’accompagnement, c’est la gestion des délais, souvent trop courts ! Et ne parlons pas des surprises, lorsque le soliste vous demande de transposer toute la pièce un ton plus bas quelques heures avant le concert…

Malgré tout, Hery Andrianirina adore le métier de pianiste accompagnateur : « C’est très beau, pour la richesse des rencontres et pour la beauté de la musique que l’on partage. »

En mai, Hery Andrianirina accompagnera l’ensemble vocal Hiraitra dans le Requiem de Saint-Saëns. Vous le retrouverez ensuite aux côtés des Quatre Ténors au concert d’ouverture du Festival classique de Madagascar Mozarteum.

Retrouvez Valérie Raveloson dans l’émission Opus 106 tous les dimanches de 18 h 30 à 20 heures sur la RLI FM 106 by no comment®. 

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