Miora Rajaonary : « Il faut plus de 60 femmes africaines pour parler de l’Afrique »
Originaire de Madagascar et installée en Afrique du Sud, Miora Rajaonary a choisi de s’exprimer à travers la photographie documentaire. S’inspirant de pointures africaines de la photo telles que Malik Sidibé, elle vient de terminer un important travail consacré au « lamba » malgache.
Miora a vu le jour sur la Grande Île. Ayant grandi à Tana et fréquenté le Lycée français de Tananarive, elle poursuit ses études supérieures à Sciences-Po Paris et accumule les expériences professionnelles en travaillant dans le département Communication de plusieurs organisations. « Certaines expériences ont été meilleures que d’autres, mais plusieurs fois j’ai été frustrée, parce que personne ne m’envoyait sur le terrain pour que je puisse voir et sentir ce dont je parlais dans mes communiqués de presse. »
Déterminée à contribuer au développement de Madagascar, elle y revient en 2009 mais le quitte de nouveau pour l’Afrique du Sud pour rejoindre l’homme de sa vie. « Madagascar me manque tous les jours. J’y retourne au moins une fois par an. C’est très important pour moi que mon fils rentre pour connaître le pays et comprendre la culture. »
En Afrique du Sud, elle se trouve un travail qu’elle quitte au bout de six mois et décide de reprendre des cours. Elle se tourne alors vers la photo et s’inscrit dans une école de photo de Johannesburg, où tout commence. Les premiers cours trop orientés sur la technique et à la compréhension du mécanisme de l’appareil photo n’attisent guère le feu qu’elle ressent en elle pour la photographie. La révélation lui vient plus tard lors d’un voyage en Inde organisé par l’agence Magnum, au cours duquel elle rencontre le photographe iranien Abbas qui va bouleverser la suite des choses.
Depuis, Miora est devenue photographe documentaire, convaincue par ce biais de pouvoir servir de grandes causes et dénoncer des abus. Le plus important à ses yeux : montrer une image de l’Afrique sous un autre angle que celui de la pauvreté et de la biodiversité en péril. « Pour moi, être photographe, c’est apporter plus de diversité dans les points de vue, arriver à une vision plus nuancée de l’Afrique et de Madagascar. »
Son premier grand projet « Lamba », réalisé à Madagascar et initié en 2017, lui a permis d’explorer la culture malgache associée à ce vêtement traditionnel, constitué d’une pièce de coton ou de soie. Un prix et une bourse lui sont alors décernés par Getty Images. L’inspiration renvoie clairement aux photographies du Malien Malik Sidibé, dont elle reconnaît qu’il est son photographe préféré. « Utiliser le lamba comme toile de fond pour des portraits, c’est une façon de se concentrer sur l’essentiel, de rendre hommage à la culture malgache, mais aussi à l’art du portrait africain. Je me souviendrai toujours de la première fois que j’ai vu une photo de Malick Sidibé, ç’a été une révélation parce que c’était vraiment beau, joyeux et plein d’énergie. C’était une Afrique que je n’avais jamais vue dans les magazines, et pourtant je vivais dedans. »
Les photographies de Miora ont déjà fait l’objet de nombreuses expositions, notamment I see you with my heart, son premier projet long-terme en Afrique du Sud sur les couples mixtes, qui a été exposé dans cinq Alliances françaises en 2016. Elle a réalisé d’autres expositions solo et collectives, en 2017 et en 2018, notamment aux États-Unis. Elle représentera Madagascar en décembre lors de l’Addis Foto Fest à Addis Abeba.
COMMENTAIRES