Madagascar, le retour
Retour vers les terres de l’enfance pour Michèle Capolungo, si bien imprégnée d’une couleur qu’elle l’attribue à sa personne plutôt qu’au sol : Le Pays de l’enfant ocre. Mais qui est-on quand on a grandi à Madagascar de 1966 à 1972 et qu’on y revient ? Une touriste ou une femme en quête de son passé ? Les deux, peut-être, semble montrer ce récit sensible brodé finement.
Il est d’ailleurs question de fil à broder dès le début du livre. Les « dizaines de minces écheveaux délicatement protégés », placés sous une poupée au fond d’une valise, ne nous quitteront pas, et la poupée trouvera sa nouvelle propriétaire tout à la fin. Petits objets chargés d’une valeur sentimentale, porteurs d’un message, à moins qu’ils soient eux-mêmes le message.
Car les mots trompent davantage que les objets. En les choisissant, on choisit aussi son camp : « Antananarivo, ce nom que je renoncerai à prononcer, comme ceux d’Antsiranana et de Toamasina. Je ne sais pas bien alléger leurs syllabes finales, notes du chant connu et inconnu de la langue malgache. Je ne sais rien de ces villes débaptisées, décolonisées. J’essaie d’oublier leurs anciens noms qui sont pourtant ceux qui me reviennent : Tananarive, Diego-Suarez, Tamatave… »
Entre le présent de la femme et les souvenirs de l’enfant, les images vont et viennent, un cliché s’accroche, un moment de réalité vient le bousculer sans l’abattre tout à fait. Il y a des beautés de carte postale et des endroits qui sentent la merde. Rappelant à Michèle Capolungo une phrase d’Antonin Artaud : « Là où ça sent la merde, ça sent l’être. » D’un tel voyage sur les traces d’un passé enfui pour toujours, le livre conserve les trouvailles comme un trésor. Davantage que les images et les odeurs, et bien qu’elles y participent, le poids intime de ce qu’emporte la voyageuse avec elle est celui d’un chemin qui s’ouvre : « Marcher doucement sur les rêves d’une terre qui contient notre ailleurs. »
A la fin, grâce à une photo non datée mais qu’on devine vieille d’environ un demi-siècle, c’est quand même la nostalgie qui l’emporte. Michèle Capolungo n’a pas résolu toutes les contradictions devant lesquelles elle s’est trouvée en revisitant Madagascar. Elle a fait mieux, peut-être : elle les a acceptées. « Le vent me souffle sans fin que l’on ne possède rien », conclut-elle avec élégance. Ayant vécu, à Diego, dans une ville postcoloniale encore très marquée à cette époque par la présence militaire française, elle s’est laissée aller à d’autres découvertes. Qu’elle a eu raison de partager avec nous.
par #PierreMaury
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