Ma reine à moi
5 mai 2015 - GaysyNo Comment   //   1560 Views   //   N°: 64

Ce regard s’est fermé et cette fois-ci pour toujours. Bouleversé par la situation, je n’ai pas su verser mes larmes pour exprimer ma douleur, ma tristesse devant le corps inerte de ma mère. Elle s’est livrée à une longue et éprouvante bataille face à la vie, face à l’amour. Ma mère à moi que j’ai connue, hélas, un peu tard. Mais on a essayé de rattraper le temps perdu pour renforcer ce lien maternel fragilisé par notre séparation de corps précoce, en la faisant venir vivre avec moi.

La dernière expression sur son visage me rappelle encore l’intensité du combat qu’elle a menée contre cette paralysie générale due à un accident vasculaire cérébral et qui l’a privée de tous les mots. Ce fut le plus dur, aussi bien pour elle que pour moi.

La vie nous a d’abord pris ce précieux moment où je me confiais à elle, lui racontant mes déboires et mes succès. J’ai décidé de tout lui raconter et elle me donna par la suite son avis, me prodigua ses conseils. C’est là que j’ai le plus senti la profondeur et l’intensité de son regard. Si touchant comme pour marquer sa surprise pour certains détails de ma vie auxquels elle s’attendait le moins. Comme si elle avait aussi pris tout ça pour son compte. Si réconfortant pour me donner suffisamment de courage pour surmonter les obstacles ; et si pétillant pour savourer ma victoire. Peu importe l’heure, même tard dans la nuit, ce partage fut une véritable communion entre elle et moi.

A nous entendre sur certains sujets, on nous aurait pris pour deux vieux amis parlant sur ma nouvelle liaison amoureuse. Elle était bien placée pour donner son avis sur les garçons.

Je me rappelle encore comment elle m’a regardé au moment de mon « coming out ». Comme pour me dire que c’est elle qui m’a conçu et a vu mes premiers pas; qu’elle aurait voulu que cela se passât autrement, mais si telle était ma personnalité, elle était toujours là ! « Se protéger » fut sa réponse à ce sujet. Se protéger des maladies et agressions extérieures. « Tu es suffisamment intelligent mon fils pour éviter tout ça. »

Sans les mots, il a fallu savoir lire dans son regard. Je n’ai pas voulu la priver de ce moment de plaisir entre elle et moi. Mais pour l’aider à surmonter sa maladie, je lui réservais les choses rigolotes. Mais elle arrivait aussi à déceler les moindres soucis dans mon regard. Elle me faisait des signes quand quelque chose n’allait pas bien de mon côté et qu’elle voulait en savoir plus. C’est ça une mère, elle n’a pas eu peur de rajouter à ses souffrances mes futiles problèmes d’amour.

Et là, j’ai décidé de lui raconter une histoire inventée de toutes pièces pour ne pas la faire souffrir. Que j’allais creuser toutes les montagnes pour trouver le moyen de l’emmener avec moi croquer cette vie à pleines dents même sans un mot de sa part. Tant que j’ai encore ce regard attentif sur moi pour éprouver ses sentiments, tout ira bien. Hélas, ce regard s’est éteint un peu tôt pour moi. Si seulement j’avais pu lui donner quelques minutes, quelques jours de ma vie pour rallonger la sienne, je l’aurais fait. Elle est partie prématurément et je l’ai connue trop tard.

Mais j’ai quand même eu l’occasion de lui dire que je l’aimais, je l’aime et je l’aimerai plus que tous les beaux mecs que la terre n’a jamais portés. Une fois encore, je t’aime maman. Ma reine Elisabeth ! 

par #Von 

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