L’oncle de Madagascar
20 mars 2019 - À lire Cultures Lire Livre du mois LivresNo Comment   //   1490 Views   //   N°: 110

Il y a le cliché de l’oncle d’Amérique, promesse pas toujours tenue d’un bel héritage. Il ne faut pas oublier les oncles éparpillés partout ailleurs, avec ou sans promesses. En ce qui concerne Madagascar, c’est flou, pour ce qui est des promesses. D’ailleurs, Charles Berthier, décédé dans les années cinquante, n’était que le grand-oncle d’Hélène. Et le fils de Charles, Émile, qui vient lui aussi de disparaître, laisse à son unique héritière, la mère d’Hélène, ses biens malgaches : une maison dans la capitale ainsi qu’une exploitation de graphite, avec les équipements, plus à l’est. Que faire, sinon se rendre sur place pour juger de la valeur des biens et décider de leur destination ?

Hélène, enseignante française en période de congés, est déléguée par sa mère et part vers une aventure dont elle ne mesure pas l’ampleur qu’elle va prendre. Car s’il était évident, avant de visiter les lieux, que les deux femmes allaient vendre, le contact avec la réalité du pays, les premiers échanges avec ses habitants et l’idée en forme de pari

qu’il est possible de se former à un nouveau métier ne tardent pas à convaincre la jeune femme : il vaut mieux essayer de poursuivre l’exploitation, au risque d’aller vers la faillite, plutôt que de lâcher l’affaire au seul acheteur potentiel. Entre celui-ci et Berthier quand il était vivant, de vieilles querelles ont creusé un fossé qu’il semble impossible de combler.

En revanche, Hélène aimerait savoir de quoi il retourne et comprendre comment les événements d’il y a si longtemps nourrissent encore aujourd’hui des haines familiales auxquelles elle se sent étrangère – c’est le ressort très romanesque du livre publié il y a quelques années par Annick de Comarmond, Loin sous les ravenales.

Elle ne se sent pas étrangère qu’à ces conflits anciens. Hélène est arrivée dans un pays dont elle ne connaissait rien et qu’elle apprend, bien obligée à partir du moment où elle veut y diriger une entreprise, à très grande vitesse. Avec des maladresses et des incompréhensions, certes, malgré la bonne volonté qu’elle y met. Avec des moments de découragement, également, quand elle se heurte à des coutumes si éloignées des siennes. Mais avec, malgré tout, la satisfaction de briser certains obstacles et de tenir entre ses mains fermes le destin de bien des familles – tous les travailleurs de l’exploitation.

Quelques illusions s’envolent au passage, et la romancière rend compte avec finesse des sentiments mélangés qui habitent Hélène. C’est elle-même qui raconte, mêlant les souvenirs qu’elle a gardés de ces années aux versions plus proches des événements qu’elle livrait à sa mère et à une amie dans les lettres envoyées de Madagascar. Un texte séduisant et sans concessions à la bien-pensance.

Annick de Comarmond. Loin sous les ravenales (Les Nouveaux Auteurs, 2010)

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