Lettres de Lémurie
5 août 2014 - CulturesNo Comment   //   1697 Views   //   N°: 55

«… Il y a un autre monde dehors qui est à nous aussi » 
Harlem, Eddy Harris. 

Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama de Lilian Thuram. Fruit d’une coédition solidaire à la suite d’une première publication en 2010 chez les éditions Philippe Rey, ce « livre équitable » à prix modique (15 000 Ar) a vu le jour sous l’impulsion de la Fondation Lilian Thuram – Éducation contre le racisme et la coordination de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, 

représentée à Madagascar par les Editions Jeunes Malgaches. C’est un livre coup de poing contre nos représentations que nous assène le champion du monde de football et, clin d’oeil, il nous signifie que l’homme noir peut faire autre chose que du sport et réussir. 

Il nous montre des femmes et des hommes noirs qui ont éclairé l’humanité : de Lucy à Obama, en passant par le philosophe Esope, les Pharaons noirs, la Reine Anna Zingha, l’écrivain Alexandre Dumas, le polytechnicien Mortenol, le musicien classique et chevalier St-Georges, la poétesse Phillis Weatley, le poète Aimé Césaire, les révolutionnaires Toussaint-Louverture, Marcus Garvey, Martin Luther King, Mandela, l’étincelle Rosa Parks, les rappeurs rebelles, Billie Holliday, bien d’autres encore et, bien-sûr, celui qui se bat avec son cerveau Mohamed Ali. 

Lilian Thuram est allé à leur recherche pour contrebalancer la version trop blanche des livres scolaires où l’on ne parle des Noirs que pour évoquer l’esclavage, la colonisation ou encore l’état de misère de nos pays ; des malheurs rendus possible, précise-t-il néanmoins, par la « vicieuse complicité » et la corruption de nos élites. 

Il s’échine alors à nous relever la tête et à distinguer dans la noirceur de l’histoire des étoiles noires. Savez-vous que les chasseurs mandingues de l’Empire du Mali, en 1222 ont rédigé la première Déclaration des Droits humains, la Charte de Mandé, « à l’adresse des oreilles du monde tout entier » commençant ainsi : « Toute vie est une vie » ? 

Et ces vers : « Et sous le ciel d’Afrique, sous les houles du Midi, regretter la sombre Russie où j’ai souffert, où j’ai aimé, où j’ai enseveli mon coeur »; savez-vous que l’auteur, le plus grand poète russe, Alexandre Pouchkine est le petit-fils de l’esclave Hanibal devenu général de l’armée russe, « le nègre de Pierre le Grand » (titre d’une nouvelle où le poète rend hommage à son aïeul) ? 

Savez-vous que le responsable de la mission Magellan à destination de Vénus, de la sonde Ulysses vers le soleil, de la sonde Galileo vers Jupiter, des Mars Observer, des Mars Pathfinder (Cheick Modibo Diarra), l’inventeur du téléphone cellulaire (Henry T. Sampson, 1971), celui de la transfusion sanguine (Charles Richard Drew), de la première opération à coeur ouvert (Daniel Hale Williams), des feux tricolores de circulation (Garret A. Morgan, 1923), de l’ordinateur de calcul le plus rapide du monde (Philip Emeagwali, 1989), tous sont noirs ? 

On apprend des tas de choses dans ce livre, plus de 600 personnalités sont cités en 400 pages, plus de 45 portraits saisissants sont dressés, de la page 223 à la 230 des inventions et découvertes par des Noirs sont énumérées ; enfin, quatre pages de bibliographie ferment le livre. Du sérieux, du punch… et du style ! Thuram écrit au présent, mélange aisément anecdotes, réflexions personnelles et citations d’auteurs. Il nous bluffe par l’étendue de ses connaissances, il nous fascine par l’acuité de son regard, il nous donne à rêver de la renaissance noire comme la renaissance du monde. La clé de la réussite : c’est l’estime de soi qu’il veut partager à travers ce livre à tous les enfants noirs du monde. 

Cheick Modibo Diarra, chercheur à la NASA, actuel président de Microsoft Afrique et Moyen-Orient, y est arrivé avec comme seuls bagages l’amour de sa mère et des valeurs transmises par son père : « on ne ment pas, on se comporte avec droiture et honnêteté, on travaille de façon à donner le meilleur de soi-même ». Avec l’humour du plus grand champion de tous les temps, Mohamed Ali, peut-être ajouterait-il : « dans cent ans, ils diront que j’étais blanc … c’est ce qu’ils ont fait à Jésus » !

 

par Johary Ravaloson 

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