Lettres de Lémurie
3 juin 2014 - LivresNo Comment   //   2040 Views   //   N°: 53

En ce mois du 26, de l’indépendance et de la langue maternelle, parlons tout d’abord de Madagascar sous la colonisation française de 1896 à 1960, de Rasoloarison Lalasoa Jeannot, éditions Jeunes Malgaches, 47p., 20 x 27. Connaître ce passé, ces rapports conflictuels et douloureux entre la colonie et ce qu’on appelait la Mère- Patrie, permet sans aucun doute de mieux comprendre nos rapports actuels toujours intenses et complexes avec la France, les Français et la langue française.

Le livre est destiné aux collégiens et aux lycéens mais tout un chacun peut s’y instruire. Il y a tellement peu de livres d’histoire sur notre histoire que cela ne peut qu’être une bonne chose. Félicitations à l’éditrice engagée, s’il en est, Marie-Michèle Razafintsalama, et à l’auteur L. J. Rasoloarison, directeur du Département d’Histoire à l’Université d’Antananarivo.

Ce dernier nous apprend en onze chapitres que Madagascar est devenue une terre d’exploitation de la France en 1896, que les Malgaches, sujets français de deuxième ordre, sont soumis au Code de l’indigénat (les indigènes sont notamment soumis aux travaux forcés pour construire les routes, les chemins de fer, pour travailler dans les concessions des colons), ne bénéficient d’aucune liberté démocratique jusqu’en 1946 et qu’enfin face à l’injuste domination les Malgaches entament des luttes armées et politiques pour se libérer et accéder à l’indépendance en 1960. Le livre est synthétique et facile à lire.

On peut lui reprocher de ne pas aller au-delà de l’analyse marxisante, désormais classique (!), laquelle ne met en avant que les dimensions politiques et économiques.

Il aurait gagné à prendre en compte la grande transformation qui a affecté la société malgache et qui notamment a amené, quelques 60 ans après l’indépendance, l’auteur à écrire son livre pour les jeunes malgaches en français et moi-même à le commenter dans la même langue.

Cette dernière façon de voir, qu’on associe à l’analyse postcoloniale, en effet, en s’intéressant moins aux rapports de domination économique qu’à la dimension culturelle comme la langue et les conflits qu’elle induit, non seulement enrichit la recherche mais permet surtout une meilleure compréhension de ce qu’on est devenu, et ainsi d’espérer, avec une meilleure compréhension, échapper aux pires conséquences du fait que nous sommes le produit de notre histoire, de la colonisation.

Pour changer complètement de sujet et continuer dans la série Faisons parler les muets, il y a cette fiction de Sabine Revillet, auteur de théâtre (Lauréate de la Fondation Beaumarchais pour sa première pièce Pardon, en 2006 ; La peau du mille-feuille, Editions Lansman, 2009 ; Fissure de soeur, Editions Théâtrales, 2010 ), que j’ai eu le plaisir de côtoyer lors du Mois des auteurs, Bat la lang, au Centre Dramatique de l’Océan Indien à La Réunion en avril dernier, et qui présente son premier roman : La conspiration des poissons aux Editions/irrégulières.

Elle dit vouloir écrire pour « laisser entendre d’autres voix, celles qui n’ont pas, ou ont perdu la parole. Ecrire pour laisser parler les monstres et quelquefois, crier vengeance, écrire pour que l’espace du merveilleux et de l’irréel surgisse ». Tout un programme, qui commence avec cette phrase : « Cela devait être une opération simple, vite faite. »

On ne penserait pas aborder dans ce livre les grands problèmes de ce monde, le pouvoir et la question de l’évolution. Et bien si ! C’est bien là que nous emmène l’auteur. A réfléchir sur la condition humaine et notre société contemporaine. Et cela (en partie) dans le contexte de la mythique Lémurie ! Vous savez, ce continent englouti sous Madagascar et les Mascareignes, d’où je vous écris et que célèbrent les génies de notre partie du monde comme Malcolm de Chazal, Jules Hermann ou encore notre cher Xhi.

Sabine Revillet a promis que si j’arrivais à traduire en malgache son roman, Ny tsikombakomban’ny trondro, elle viendrait en faire la promotion à Antananarivo et peut-être même faire jouer Pardon à l’IFM. Vous voyez bien, il y a de quoi faire parler les muets, à faire conspirer les poissons. Alors, gaffe ! Certains sont déjà sur le parvis de l’hôtel de ville !

Question subsidiaire : Connaissez-vous le nom actuel de cette place devant l’hôtel de ville ?
Question subsidiaire n° 2 : Comment cette place s’appelait-elle avant sa dénomination actuelle ?

par Johary Ravaloson

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