Le Rova d’Antananarivo, enjeux et incompréhensions
10 juin 2020 - TribuneNo Comment   //   2079 Views   //   N°: 123-125
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© photo : Désiré Razafindrazaka

Le Rova d’Antananarivo, ou Anatirova, fondé au XVIIe siècle par Andrianjaka (1610-1630) est un ensemble de palais et édifices de différentes époques de l’Histoire de Madagascar, agrandi et modifié par ses successeurs jusqu’au règne de Ranavalona III (1883-1896). Enceinte fortifiée et élevée, il constitue une véritable acropole bâtie sur la colline d’Analamanga (anciennement dénommée Anjalamanga du temps des Vazimba) et surplombant ainsi la ville d’Antananarivo avec le Palais de Manjakamiadana et son imposante façade de pierres.

Plus qu’un site touristique incontournable que s’imposent de voir les visiteurs étrangers et nationaux de passage dans la Cité des Mille, le Rova est également un objet patrimonial chargé de sens et de valeurs pour nombre de Malagasy.

Cet attachement particulier de la population au Rova peut expliquer l’espoir suscité par chaque annonce de projet de réhabilitation par les différents dirigeants du pays qui se sont succédé depuis l’incendie criminel du site en 1995. Mais il permet également de comprendre les vives réactions engendrées par une nouvelle construction nommée Kianja Masoandro érigée dans l’enceinte du Rova : un colisée ou une arène, en tout cas, un amphithéâtre en plein air en béton, jugé par beaucoup comme incongru. En effet, Anatirova est une nécropole royale, puisque les restes mortels de plusieurs souverains y sont « cachés », et un haut lieu de culte des ancêtres dans un pays où le respect des anciens est une des valeurs cardinales. Il est également un emblème de la souveraineté du pays, déjà effective avant l’arrivée de la colonisation, ainsi que de son unité, à l’image des différents matériaux de construction qui composent harmonieusement le Rova, et notamment le palais de Manjakamiadana : blocs de pierre, madriers de bois, ardoises,…

Si Anatirova est un symbole de pouvoir qui concerne un site historique de la Haute Ville de première importance, il constitue aussi un bien culturel à la fois matériel et immatériel dans un contexte où cosmologie, cosmogonie, rituels, hiérarchie et stratification sociale s’entremêlent. il revêt une valeur à la fois symbolique, identitaire, culturelle, historique, architecturale et patrimoniale. Ce qui confère au Rova son « Hasina », une sacralité qui lui est propre.

Nul ne sait quel sera l’impact des diverses réclamations, pétitions, actions organisées par divers citoyens ou groupes de citoyens pour préserver dans son authenticité et son intégrité ce patrimoine national que représente le Rova d’Antananarivo, en écho aux actions des associations telles que les Amis du Patrimoine de Madagascar (APM). Néanmoins, il est plus qu’important que les citoyens osent s’exprimer, dans le respect des institutions et de la législation, afin de donner leur opinion sur les politiques publiques et en l’occurrence celle concernant le patrimoine, face à l’obligation de redevabilité et transparence des élus et représentants des pouvoirs publics.

Les Amis du Patrimoine de Madagascar ou Aron’ny harem-bako-Pirenena Malagasy (APM) est une association accréditée par l’UNESCO en matière de patrimoine culturel immatériel. Créée en 1990, l’association s’est donné des objectifs qu’elle concrétise au travers des actions de Sauvegarde, Conservation, Réhabilitation, Promotion, Sensibilisation, Veille et Interpellation concernant le Patrimoine malagasy.

Désiré Razafindrazaka
Président des Amis du Patrimoine de Madagascar (APM)
Membre titulaire de l’Académie Malagasy
Facebook : Amis du Patrimoine de Madagascar (APM)

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