Le fruit défendu
5 mai 2015 - Fanahy gasyNo Comment   //   1708 Views   //   N°: 64

Le proverbe « aza tsy maharitra ny mena miraviravy », littéralement « ne sois pas tenté par ce rouge qui pend » mérite une petite explication afin d’en apprécier toute la saveur. Mais pour cela, un détour au verger s’impose. 

Il faut imaginer ici un joli fruit bien mûr , bien rouge, qui pend sur sa branche, prêt à être cueilli. Seulement il y a un petit et même un gros problème : l’arbre n’est pas à vous et cueillir le fruit défendu serait tout simplement un vol ! On sait que les Ntaolo (les Anciens) n’étaient pas particulièrement regardants et autorisaient les gens de passage à leur prendre quelques fruits, bel exemple de solidarité quand on y songe. Même le roi Andrianampoinimerina, pourtant réputé pour sa sévérité, ne tenait pas trop rigueur aux chapardeurs des champs et des vergers : « Soyez indulgents puisqu’ils ont faim », disait-il. A condition, bien entendu, de ne pas dépasser la mesure ! Une pomme, une mangue, une racine de manioc… passe encore.

Mais quand le chapardeur se pointe avec sa soubique et organise une razzia en règle du champ ou du verger, on comprend que les propriétaires voient cela d’un très mauvais oeil. 

Mais plutôt que de veiller jour et nuit sur leurs biens, les Anciens avaient trouvé une arme de dissuasion très efficace : un kalo, un gri-gri aux pouvoirs occultes, censé infliger de sévères corrections aux voleurs des champs. Tel est donc le sens concret du dicton. Mais on peut l’appliquer à bien d’autres circonstances car ce ne sont pas les objets de convoitise qui manquent ici-bas. Prenez une jolie femme parée de tous ses appâts.

Voilà qui est tentant pour un coeur en maraude ! Le dicton recommande donc de la retenue, et même de la tenue, devant tout ce qui ne vous appartient pas. Sinon les conséquences peuvent en être fâcheuses car le kalo veille et ne manquera de vous faire payer le prix de votre larcin. D’où l’utilisation de ce gri-gri, encore aujourd’hui, dans certains couples où l’un des partenaires est susceptible d’être volage. Inutile de préciser qu’avec la christianisation et la mésaventure d’Adam et Eve au jardin d’Eden cette histoire de fruit défendu a pris une encore plus grande résonnance, de telle sorte qu’on pourrait dire du Tentateur : manque pas de kalo, celui-là !

par #PanahRanova 

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