Le chasseur d’arc-en-ciel
5 juin 2012 - EscalesNo Comment   //   2745 Views   //   N°: 29

Il y a une dizaine d’années, la ville d’Ilakaka a poussé sur le terreau du saphir, au milieu de la savane du pays Bara. Marc, amoureux des belles pierres, y cherche des trésors à l’état brut. 

Ilakaka, 18 heures. La nuit tombe et les mineurs quittent les terres défoncées par les fouilles quotidiennes. Marc ferme son magasin et ouvre la fenêtre qui donne sur la rue. À ses côtés, une lampe torche et un bol d’eau. Un jeune homme arrive et dépose une dizaine de cailloux colorés sur un plateau. En quelques instants Marc trie et sélectionne les couleurs qui l’intéressent. Il choisit une pierre, l’éclaire à la lampe, la mouille pour faire ressortir les inclusions éventuelles, les couleurs, le volume, son potentiel à la taille.

« On achète le soir à la lumière électrique des pierres qui donneront tout leur éclat à la lumière du jour. L’erreur peut coûter cher », commente-il, concentré. Négociation cordiale. Marc garde la pierre, un saphir rose.

Le ballet est bien ordonné et dure une bonne heure. Des hommes et quelques femmes, de tous âges, viennent proposer le fruit de leur journée chez les négociants de la rue principale. Les ventes du soir font vivre toute la ville, tant le marché de la pierre est varié. « Les mineurs savent la valeur de ce qu’ils vendent et à qui ils peuvent le vendre, poursuit Marc. À Ilakaka, même en brut, les pierres ne sont pas bradées et les belles pièces qui se négocient en arrière-boutique se vendent cher. »

De nationalité suisse, mais « citoyen du monde », il travaille dans les pierres depuis plus de vingt ans. « Un rêve de gosse » qui voulait « voyager et ramener des trésors. » Arrivé en 2000 à Ilakaka, il y construit sa maison, organise avec un collègue guinéen des visites de mines et ouvre un show room, Color Line. La ligne de couleur. C’est sa spécialité. « Le saphir a cinq couleurs de bases, mais il existe naturellement des dégradés infinis. Sur un même violet, on peut trouver cinquante nuances, » explique-t-il, fasciné. Proposées en bracelets, en boucles d’oreille ou telles quelles, ces lignes de saphir arc-en-ciel sont vendues avant même d’être terminées.

Toujours à la recherche de trésor, Marc voyage beaucoup. À Ilakaka, son équipe métissée partage sa passion. « Marc est un des seuls spécialistes francophones de saphir brut. Il a un oeil incroyable », explique Philippe, négociant lui aussi. « Ilakaka est un des plus grands gisements de saphirs au monde, et on y trouve beaucoup d’autres très belles pierres. » Elles ont des noms de princesses de conte : béryl, spinelle, chrysobéryl, andalousite. Négociées par Marc ou Philippe, elles sont taillées par Jean-Jacques, puis montées sur des bijoux dessinés par Lucie. « On travaille beaucoup pour des commandes de gemmologues ou de joailliers qui nous font confiance sur la qualité des pierres et sur la façon dont on se les procure », précise-t-elle. Une équipe de passionnés, réunie autour de l’amour des belles choses. 

#BénédicteBerthonDumurgier

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