Laure Rabetokotany : Violence conjugale et torture ordinaire
L’Acat (Action chrétienne pour l’abolition de la torture) est une association laïque luttant contre toute forme de torture. Une définition qui inclut également la violence conjugale comme l’explique Laure Rabetokotany, responsable d’Acat Madagascar.
Le 24 septembre, Madagascar a signé à New York le traité d’abolition de la peine de mort…
L’initiative mérite d’être saluée. En tant qu’association oecuménique regroupant des laïques luttant contre toute forme de tortures à Madagascar, nous soutenons l’abolition depuis des années et souhaitons que ce traité soit maintenant ratifié au plus vite. Dans l’immédiat, cela n’apporte rien de plus au débat, c’est simplement l’avalisation d’un fait accompli.
D’autant que la peine de mort n’a jamais été appliquée depuis l’Indépendance…
L’exécution capitale, certes, mais pas la condamnation à mort qui était bel et bien prononcée.
On sait qu’il y a 55 condamnés à mort dans les prisons malgaches dont la peine a été commuée en travaux forcés à perpétuité. Condamné à passer le reste de sa vie en prison équivaut à être condamné à la peine de mort, surtout dans les conditions très dures qui prévalent dans notre système carcéral.
Il y a quand même des catégories de crimes qui demandent une réponse nette de la société…
Certes, des crimes sont plus impardonnables que d’autres, par exemple quand ils font intervenir la barbarie ou la violence sur les enfants. Toutefois, en raison de la corruption qui règne à Madagascar le pays est placé au 118e rang mondial en la matière – on ne peut jamais être sûr qu’il n’y a pas erreur judiciaire. Bon nombre de condamnés dans nos prisons n’ont pas commis le crime dont on les accuse. Sans parler des dina, cette forme de justice coutumière qui se solde souvent par des exécutions sommaires et qui va à l’encontre du traité signé à New York.
En quoi la violence conjugale constitue-elle une forme de torture ?
Depuis 2011, la violence conjugale, perçue auparavant comme une violence ordinaire regardant la sphère privée, est considérée par notre code pénal comme une forme de torture, surtout si le couple est marié légitimement. En ce sens, elle est passible d’emprisonnement ferme. De façon générale, les coups et blessures volontaires sont punis par la loi. Il faut signaler que ce ne sont pas toujours les hommes qui battent leur conjointe, il y a aussi des époux victimes de violence conjugale, et ils sont nombreux. La cause est généralement l’insuffisance d’argent qu’ils apportent à la maison.
Quelle réponse apportez-vous à ces fléaux ?
Nous faisons beaucoup de réinsertion sociale auprès des ex-détenus afin qu’ils soient mieux acceptés dans la société. Nous avons aussi des travailleurs sociaux pour intervenir sur le terrain de la violence domestique, ainsi que des conseillers juridiques. Les deux tiers des affaires traitées durant les premiers six mois de cette année ont connu un aboutissement positif pour les victimes. Elles ont été entendues. Seuls 16,67 % des dossiers ont été classés sans suite. C’est très encourageant pour nous, même si beaucoup reste à faire.
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