Katy : Addiction… interdiction ?
8 septembre 2015 - EscalesNo Comment   //   7417 Views   //   N°: 68

Catalogué comme drogue par l’Organisation mondiale de la santé, le « katy » est un produit toléré dans le nord de Madagascar pour des raisons culturelles. Coupe-faim, coupe-fatigue, à Nosy Be on le dit même aphrodisiaque. Autant dire qu’il fait un tabac.

À Nosy Be, le khat (catha edulis) – katy en malgache – est ce qu’on peut appeler un produit de consommation courante. C’est sur les coups de 15 heures que les marchands de feuilles fraîches débarquent dans les rues de la ville. Aussitôt des groupes d’hommes se bousculent autour d’eux pour acheter leurs provisions. Fautil parler de toxicomanes ? Si la scène se passait à l’extérieur de Madagascar, sans doute, car le khat est considéré comme une drogue aux effets proches des amphétamines par l’Organisation mondiale de la santé. 

Mais ici sa consommation est tolérée – ni franchement légale ni franchement interdite – en raison de pratiques rituelles importées de la côte orientale de l’Afrique.

« Pour moi c’est plus un divertissement qu’une drogue », se défend Boris, 28 ans, qui en achètent trois bottes tous les jours pour Ar 10 000. C’est la dose qu’il a l’habitude de « brouter », comme on dit ici avec son ami. Ils mâchent les feuilles à même le trottoir des heures durant, lentement, consciencieusement, ce qui leur fait cette énorme boule noirâtre dans la bouche. Et toujours à portée de main une grande bouteille de soda ou de jus naturel, car mâcher donne soif.

Et peu à peu, grâce à la cathinone, un alcaloïde contenu dans les feuilles, il s’ensuit comme une excitation nerveuse, un « coup de fouet » accompagné d’une légère euphorie. Au début du moins, car les effets se dissipent vite et il ne reste bientôt plus que cette boule amère à retourner encore et encore dans sa bouche. La fameuse « descente » toujours désagréable au drogué quel qu’il soit. Le mot arrache un sourire crispé à Boris. « Mon boulot c’est portefaix, je porte des sacs de 40 kg toute la journée. Le khat c’est d’abord pour calmer la fatigue et me détendre. Le tout est de ne pas en abuser. » Facile à dire, tout le monde a entendu parler de ces « brouteurs » qui n’ont pas su s’arrêter et qui soudain sont pris d’hallucinations au milieu de la rue ou terrassés par une crise cardiaque.

La culture du khat est en pleine expansion dans le Nord depuis une vingtaine d’années. La région de Diego est l’un des principaux centres de production. Dans certaines communes, la plante arrive même à prendre le pas sur la culture du riz ou du café, finalement moins rentables. Les feuilles transitent généralement par taxi-brousse et alimentent les principaux marchés de l’île dont celui de Nosy Be.

Faut-il interdire le katy ? Le débat est lancé et pas près d’être résolu, car la dimension culturelle qui entoure sa consommation n’est pas à négliger. « Tout le monde sait que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé mais personne ne parle de fermer les bars  », s’indigne Eliane qui vend sa brassée de feuilles au Bazary Be. « C’est frais, naturel et bio. Pas de distillation ni de fermentation. Et ça ne donne pas la gueule de bois », ajoute Flavien, un client fidèle d’Éliane. Addiction… tradition… interdiction ? L’équation du khat n’est décidément pas si simple.

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