John RANGITAMANANA
21 mai 2012 - MétiersNo Comment   //   1370 Views   //   N°: 28

John vend du bois de chauffe du côté d’Ambohibao. C’est chez lui que les gens s’approvisionnent pour se chauffer et cuire leurs aliments. Un combustible décrié par les écologistes, mais quand on a peu d’argent on fait feu de tout bois…

Chaud devant ! Si les écologistes plaident pour le développement des énergies renouvelables, lui vend encore et toujours du bois de chauffe. Le combustible le plus utilisé à Madagascar (85 % des ménages), notamment pour la cuisson des aliments. Un métier qu’il exerce depuis presque 20 ans, qu’il a hérité de son père qui lui-même le tenait de son père.

« On est une longue lignée de vendeurs de bois de chauffe et je ne veux pas l’interrompre, même si aujourd’hui on le rend responsable de tous les maux », soupire-t-il. Comme tout le monde, il a entendu dire que l’utilisation des combustibles ligneux (bois de chauffe et charbon de bois) est responsable de toutes sortes d’infections pulmonaires provoquées par l’inhalation des fumées, mais également des graves problèmes de déforestation que connaît le pays, avec 9 millions de tonnes de bois qui partent annuellement en fumée.

« Pendant des siècles on n’a eu que ce moyen pour se chauffer et faire bouillir les aliments de façon à les décontaminer, et maintenant on nous dit que c’est pire que Fukushima », ironise John. « Moi, tout ce que je sais, c’est que la plupart de mes clients sont trop pauvres pour utiliser le gaz, le pétrole lampant ou l’électricité. Même le charbon de bois est hors de leur portée. Ils n’ont que le bois de chauffe… » Il faut dire que son prix de 120 ariary le kilo n’a pas bougé depuis 2006, alors que tous les autres combustibles n’ont cessé de prendre la courbe ascendante.

Les professionnels, à commencer par les pâtissiers, sont très demandeurs en bois de chauffe, car c’est une énergie réputée très économique. Pas tant que ça, objecte John qui explique avoir entendu à la télé que pour cuire un kilo de riz, il en charbon… Vrai ou pas, cela ne l’empêche pas d’écouler ses neuf tonnes de bois de chauffe par semaine (à noter qu’à Madagascar, le stère de bois se mesure en poids et non en volume).

« Un chiffre qui peut doubler, voire tripler pendant l’hiver, au point de ne plus pouvoir satisfaire la demande », précise-t-il. Un métier où il ne faut pas avoir peur de se salir les mains, mais qui lui permet de vivre dans une relative aisance.

Ainsi il a réussi à inscrire son fils dans une école privée assez réputée et il est fier de sa camionnette Toyota « années 80 » garée au fond de sa cour. « J’ai investi toute ma vie dans ce métier, j’ai bien le droit d’en profiter un peu. »

Une chose est sûre, John n’est pas un manchot. Levé tous les jours à 4 heures du matin, il passe le plus clair de son temps à taper comme un sourd à la hache dans les rondins. À moins qu’il ne se rende dans la forêt de Manjakandriana pour s’approvisionner en bûches. S’il s’envoie une bonne dizaine de tasses de café dans la journée pour tenir le coup, en revanche jamais d’alcool : « On se fatigue encore plus vite quand on boit, et c’est dangereux avec la hache. »

Sa seule distraction, parler combats de coqs avec les clients, et le week-end s’occuper de sa basse-cour, notamment d’Ikalamainty, sa poule préférée. Et quand un de ses volatiles gagne un tournoi, le lendemain, c’est la gueule de bois assurée…

Njato Georges

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