Joël Pèlerin
Photographe des bébés kangourous
Quand on est nu, on est tous pareils. Dès la naissance, le bébé, la maman, dans leur plus simple appareil, vont vivre une expérience sensorielle, au corps-à-corps. Joël Pèlerin, médecin et photographe, explore et sublime les corps nus, chargés de leur histoire familiale.
L’histoire de l’exposition Aina commence par trois photos, un triptyque, représentant trois femmes : la première est jeune, elle porte une tenue verte, elle est libre, épanouie. L’autre porte un léger voile blanc, elle est mariée. La troisième, vêtue de rouge, est plus âgée : elle est une excellente mère, mais elle déprime, elle n’a plus de vie de femme ni de couple…. L’histoire de Joël et la photographie commence quant à elle il y a bien longtemps, du temps ou le jeune chimiste était dans les bains… pour photos, pas pour bébés, on y vient ! Passionné de voyages, après l’Afghanistan, l’Inde et le Pakistan, il découvre Madagascar et rencontre Alice qu’il ne quitte plus. En 1976, il est nommé professeur de chimie à l’Ecole polytechnique de Tana. Il quitte alors son métier de chimiste pour reprendre des études de médecine, tout comme Alice. Dès lors, il ne cesse de tisser des liens entre sa passion, la photo, et son métier tout aussi passionnant, la médecine.
Perfectionniste, appliqué, passionné, ses clichés de nus artistiques vont faire le tour du monde : exposition universelle de Shanghai, festival du film de Durban en Afrique du Sud, ouverture du festival de Cannes. A travers ses photos de femmes nues, Joël a décidé de sublimer le métissage, et de retracer dans ses portraits l’histoire du couple, de la grossesse, de l’allaitement, de la maternité. C’est à Madagascar qu’il va découvrir l’expérience des « enfants kangourous » de l’hôpital de Mahajunga, à la pointe de pratiques désormais universellement reconnues : Les couveuses sont remplacées par le contact entre la mère et l’enfant, relayée 24 heures sur 24 par les autres membres de la famille, favorisant de manière naturelle le développement du petit être né un peu trop tôt. Joël souhaite depuis de nombreuses années exposer ses photos à Madagascar, tant il exprime de l’affection et du respect pour cette île qui a participé à sa construction identitaire. Mais la nudité même artistique a longtemps été considérée comme un tabou à Madagascar.
Petit rappel. En 2000, la police décroche une exposition de peintures avec des nus au centre Albert Camus de Tana. Une chorégraphe mozambicaine a également créé un scandale en présentant dans un tableau final de danse contemporaine trois femmes qui se levaient nues. Ce fut le dernier Festival des danses de l’océan Indien à Madagascar, le scandale ayant poussé les organisateurs à refuser d’organiser un nouvel évènement sur la Grande Ile. C’est grâce à l’UNICEF que son expo Aina, au côté d’un autre photographe de talent, Fidisoa Ramanahadray, a enfin tourné dans plusieurs villes de Madagascar en 2012, après plus de dix ans de tentatives d’autorisations. Dans la salle d’exposition d’Analikely, femmes et hommes, seuls ou en couples, amateurs d’art ou néophytes, sont tous revenus à plusieurs reprises pour apprécier tant de beauté, et comprendre les messages enfouis dans chaque cliché.
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