Gervas Todivelou
11 novembre 2014 - MétiersNo Comment   //   2041 Views   //   N°: 58

Laisse les gondoles à Venise !

Une simple langue de mer large de cent mètres sépare l’Île aux Nattes de Sainte-Marie sa grande sœur. Pour approvisionner les 1 500 habitants de cet îlot paradisiaque, une quarantaine de piroguiers s’y attellent chaque jour. Gervas Todivelou fait partie de cette famille de passeurs.

Agniribe/ Nosy Nato ou Île aux Nattes est une petite perle fragile dans l’océan Indien. Si le magazine National Géographic l’a classée dans le top 10 des plus belles îles du monde, ce n’est pas pour rien : le lagon bleu turquoise qui entoure ses plages de sable fin inspire naturellement le respect. Pour accéder à ce paradis sans route, sans voiture et sans Jirama, la pirogue est le moyen le plus utilisé.

Gervas Todivelou, 26 ans, fils de pêcheur est facilement reconnaissable grâce à sa pirogue cinq places aux tonalités bleu ciel, longue embarcation au nom mythique de Grâce à Dieu. Du lever du jour au coucher du soleil, Gervas reste posté à la pointe sud en quête de clients éventuels. Qu’achemine-t-il ? Qui sont ces passagers furtifs ? Il explique : « Il y a d’abord tous mes compatriotes du village qui font l’aller-retour à Sainte-Marie pour faire leurs courses. Il y a tous les écoliers qui suivent leurs scolarités de l’autre côté, tous les matériaux dont les habitants ont besoin, ciment, bois, charbon…

je peux transporter jusqu’à une tonne. Et puis évidemment il y a les touristes. »

Tout comme ses autres collègues, Gervas a ce rôle important de « présentateur » car le premier contact réel avec l’île se fait indubitablement par le biais du piroguier.

« Nous acheminons les clients vers leurs hôtels, ou bien nous conseillons tel ou tel établissement suivant leur budget. On propose des extra comme le tour de l’île en pirogue, des pique-niques avec gestion de l’intendance, des sorties snorkling derrière la barrière de corail. Nous pouvons même venir chercher les clients au milieu de la

nuit pour ceux qui aiment sortir à Sainte-Marie. » Malgré le côté anarchique et agressif souvent critiqué par les touristes au départ de la pointe, le piroguier de l’Île

aux Nattes est fier de son environnement, il a conscience d’être un messager positif et le premier porte-parole de cette perle touristique. « Je ne suis pas attiré par Toamasina que je devine au large, de l’autre côté. Même si la vie n’est pas facile tous les jours, je suis heureux de participer et de rajouter ma goutte d’eau au tourisme propre, au tourisme cool ! »

Le mouvement svelte du piroguier semble si naturel et si simple, détrompez-vous, il faut une certaine dextérité pour manier la tehina, la longue perche qui fait avancer l’embarcation. De plus, les fonds marins, les marées et les forts courants à l’embouchure donnent à chaque trajet un rythme différent. Cette diversité dans le travail et l’aptitude à assurer la liaison permanente entre les deux îles, font de ce métier de présentateur une véritable vitrine sociale et économique. Organiser ou fédérer cette profession est dans l’air du temps, car autant les autochtones que les acteurs du tourisme à Sainte Marie ont conscience que la réussite de ce passage obligé en pirogue est une sorte de passerelle pour un devenir intelligent.

Comme son nom l’indique, Agniribe est une île qui veut grandir et qui grandira certainement par le biais de sa sagesse. Après les gondoles à Venise, à quand la chanson de « Gervas le piroguier de le aux Nattes » ?

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