Frère Filipo : Au pied de son arbre, il vivait heureux
17 mai 2017 - MétiersNo Comment   //   2064 Views   //   N°: 88

Lors de mon dernier séjour autour du lac Alaotra, on m’a raconté une histoire qui m’a interpellé. Un curé, un « monpera » comme on dit ici, aurait monté une structure pour permettre aux gens d’Imerimandroso d’y voir clair et porter lunettes. Il aurait trouvé un sponsor pour les verres et fabriquait lui-même les montures. En bois. Puis il aurait perdu son sponsor et aurait reconverti ses machines pour monter une école de menuiserie.

Je suis donc allé à la rencontre de ce fameux prêtre… Il m’aura fallu quelques essais infructueux mais j’ai réussi à le trouver. J’ai ainsi découvert un frère. Il dit ne pas savoir de quoi je parle avec cette histoire de lunettes ! Cependant il a bien monté une école de menuiserie. Les élèves y suivent une formation de trois ans à l’issue de laquelle ils auront forgé eux mêmes leurs outils. Ils sont ensuite encouragés à aller dans les villages reculés

par delà la forêt pour s’installer et améliorer la qualité de vie des villageois. Une belle histoire !

Le frère Filipo, car c’est son nom, est italien. Il n’a jamais choisi de se faire ordonner père. C’est un frère dehonien (appelé ainsi en référence au fondateur Vénérable Léon Dehon (1843–1925) ou du Sacré-Cœur de Jésus, la maison-mère se trouvant à Rome. Les premiers dehoniens sont arrivés à Madagascar en 1974, parmi eux le frère Filipo, cela fait donc plus de quarante ans.

Il a principalement habité autour du lac Alaotra. À 74 ans, après sept ou huit palus cérébraux, il dit ne plus chercher à changer son environnement. Sa formation n’a rien à voir avec l’optique ou les lunettes, elle est d’avantage orientée vers l’agriculture en accord avec la principale activité de la région Alaotra, ce grenier à riz de Madagascar.

En plus de son école de menuiserie, il essaie de planter sur les terrains appartenant à son église des espèces d’arbres locales qu’il utilise pour la fabrication de meubles. Vendus, ces derniers financent l’école. Il essaie ainsi de montrer d’autres façons de faire, depuis la plantation de l’arbre jusqu’à la fabrication du meuble. Il ne compte plus les fois où tout son travail a été brûlé ou saccagé. Comme il le dit, « il ne faut pas vouloir changer les choses trop vite. On fait, on est patient et on continue de faire. On essaie d’éduquer, le vecteur du changement est là. »

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