Forêt d’Antakarana : Danse avec les fosa
Depuis début juillet, le docteur en biologie Luke Dollar de la Duke University de Caroline du Nord, aux États-Unis, est à Madagascar dans le cadre d’une mission d’étude sur les fosa de la forêt d’Antakarana. Une expédition qui a pour objectif la protection de ces carnivores endémiques menacés de disparition.
Y aura-t-il encore des fosa (Cryptoprocta ferox) à Madagascar dans vingt ans ? Si la déforestation se poursuit au même rythme qu’aujourd’hui, peut-être pas répond Luke Dollar, un scientifique américain, spécialiste reconnu des carnivores d’Afrique. Dans le cadre de l’association Earthwatch Carnivores of Madagascar, il entreprend des missions d’observation régulières sur la Grande Ile depuis 1996. « Je me suis d’abord intéressé aux makis,
mais très vite j’ai eu un coup de coeur pour les fosa dont on parle moins. C’est ma grande passion depuis quinze ans. »
Il n’existe plus que 2 500 à 3 000 individus de ces petits félins endémiques. Petits (90 cm sans la queue, pas plus de 12 kg), mais occupant une place centrale dans l’écosystème de l’île. « Ils se trouvent tout au sommet de la chaîne alimentaire, juste avant l’ankoay (l’aigle de Madagascar ou pygargue). Ce sont des prédateurs très utiles, empêchant la prolifération d’espèces qui pourraient vite devenir nuisibles, les rats par exemple. S’il disparaissait, toute la chaîne serait perturbée, et cela aurait des répercussions jusqu’à l’Homme », considère le biologiste attaché à la Duke University de Caroline du Nord.
Comme son nom de ferox (féroce) l’indique, le fosa est un redoutable prédateur, sachant nager, grimper aux arbres, rapide comme l’éclair et aussi à l’aise dans la forêt (humide ou épineuse) que dans le désert. Par ailleurs inoffensif en ce qui concerne l’Homme. « C’est un animal timide, il fuit dès qu’il croise le regard d’un humain. Le fosa n’attaque jamais l’Homme, sauf s’il se sent en danger. Il peut chercher à l’intimider s’il s’approche trop, mais il ne mordra pas. »
Véritable régulateur du vivant sur la Grande Ile, il n’en subit pas moins une pression de plus en plus insupportable, provoquée par l’envahissement d’autres carnivores domestiqués par les riverains, chiens et chats principalement. Retournés à la vie sauvage, ces derniers sont des rivaux sérieux pour les fosa pas assez nombreux pour les contrer. « Ils entrent en concurrence avec les fosa pour le contrôle du territoire et pour la nourriture, mais surtout ils leur transmettent des maladies contagieuses », explique Luke Dollar. Les femelles fosa ne donnent naissance que deux fois par an, avec un seul petit à chaque portée. C’est trop peu pour chasser les envahisseurs.
Pour juguler la menace, Earthwatch Carnivores of Madagascar et ses partenaires – des volontaires malgaches et étrangers – capturent les chats et les chiens qu’ils trouvent dans la nature pour les vacciner et les castrer, tout en menant des actions de sensibilisation auprès des populations locales. « L’utilité du fosa n’est pas évidente au premier abord quand on ne connaît pas les grands équilibres naturels. C’est à nous d’expliquer aux villageois qu’en laissant chiens et chats proliférer, ils mettent leur propre équilibre en péril… » Un travail de longue haleine, mais ce n’est pas pour faire reculer Luke Dollar. « Quand j’ai commencé à m’investir pour les fosa, j’ai compris que c’était pour toute la vie. » Et quand on aime, on ne compte pas !
Solofo Ranaivo
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