Embrasse-moi idiot !
30 mai 2016 - GaysyNo Comment   //   1543 Views   //   N°: 77

Les lieux publics commencent à se remplir et à s’animer en cette fin d’après-midi de la veille de la fête de l’Indépendance. Mon pote et moi n’avons pas de programme particulier pour la soirée. Pour l’instant, on a décidé de prendre l’apéro sur la terrasse d’un restaurant d’Antsenakely d’où je contemple l’effervescence de l’épi-bar d’en face. Au bout de quelques minutes, je sens le regard d’un jeune homme, vêtu d’un ensemble sportif blanc, posé sur moi. Est-ce quelqu’un que je connais ? Je ne crois pas. Je dois me tromper. Apparemment, il est avec des amis répartis en petits groupes. Il change constamment de table pour discuter mais comme par hasard, il se trouve toujours face à moi. À un moment donné, il traverse la rue avec un autre gars pour papoter, juste à quelques mètres de nous. 
 

Et c’est là que j’ai la certitude que je ne le connais pas. De quoi il parle ? Pourquoi il me regarde avec insistance ? C’est peut-être moi qui me fais des idées, la fraîcheur du climat et la bouffée de chaleur de l’apéro aidant.

Il a le corps d’un sportif et son sourire dégage un certain charme. Son pantalon moule bien son corps et il a la démarche d’un séducteur. Il rejoint un autre groupe mais cette fois-ci plus loin, toujours en se mettant dans ma direction. Par ses mimiques, j’ai l’impression qu’il veut me parler. Je regarde autour de moi pour être sûr qu’il ne s’agit pas de quelqu’un d’autre. Le temps que je me retourne, il s’éloigne et semble partir. C’est ce rhum qui me fait un effet bizarre ou quoi ? Avant de disparaître à un croisement, il fait un grand signe de la main. C’est bien à moi qu’il s’adresse, il me demande de venir vers lui. Je me lève discrètement, son petit scénario me met le coeur en chamade. Il s’assoit sur la banquette de l’abribus pour m’attendre. « Mon nom c’est Tovo, et je veux te connaître », me dit-il avec un grand sourire. « Je vais raccompagner mes potes et je repasserai par-là après. Quand tu me verras, suis-moi discrètement s’il te plaît ! », poursuit-il avec un petit clin d’oeil. Je n’ai même pas le temps de réagir qu’il court pour rattraper sa bande.

Quelques minutes plus tard, le voilà qui s’amène sur le trottoir côté terrasse, pris entre deux groupes de gamins avec leurs lampions. Il fait semblant d’arranger ses lacets de chaussures pour que je ne puisse pas le louper. Et il s’arrête quelques mètres plus loin. Je confie mon porte-feuille et mon portable à mon pote et pars le rejoindre. « Pour te rassurer, je suis un footballeur d’un club réputé d’Antsirabe et tu m’attires, je ne sais pas pourquoi », formulet- il timidement. « Tu n’es pas d’ici, je pense ? », poursuit-il tout en me regardant. Je lui réponds que je travaille pour une radio locale depuis presque trois ans déjà, un peu gêné. D’habitude c’est moi qui pose des questions aux mecs. Je lui propose de nous installer sur la terrasse pour discuter tranquillement. « Tu sais, je sors d’un entraînement et je dois ramener mon matos à la maison. Accompagne-moi. J’aimerais trouver ensuite un autre endroit pour prendre un verre. Fais-moi plaisir, je veux t’inviter », insiste-il tout en m’enveloppant de son bras. Une odeur suave de mec sportif se dégage de lui et je sens par la même occasion sa force. Du coup, j’accepte. Il appelle un pousse-pousse et négocie le prix de notre trajet. Il demande au tireur de mettre la toile pour nous réchauffer un peu ; c’est vrai que le froid se fait déjà sentir en cette fin juin. Une fois à l’abri, il me serre contre lui et chuchote à mon oreille : «  ne m’as pas encore dit ton nom et si tu sors déjà avec quelqu’un ? Tu sais que depuis que je t’ai vu tout à l’heure, je rêve de te prendre dans mes bras. » Et il m’embrasse. Tout se passe tellement vite que je crois rêver.

Arrivé devant chez lui, il m’explique qu’il vit encore chez ses parents et m’invite à monter. « Je préfère t’attendre là mais fais vite quand même », lui suggéré-je. Il revient avec un grand sourire, vêtu autrement, et avec le corps qu’il a, tout doit lui aller merveilleusement bien. Sur le trajet du retour, il me déclare sa flamme d’une voix touchante, perturbé par les pétards des gamins. Il décide de m’emmener dans un petit bar des pavillons d’Antsenakely où nous sommes les seuls clients. Il ne se gêne pas du tout pour poursuivre sa déclaration devant la patronne, tout en sirotant la bière qu’il a commandée pour nous. Peut-être que c’est un endroit où il passe rarement donc il se fout de la bonne femme. Cette dernière fait semblant de ne pas écouter notre conversation, mais les propos de Tovo sont clairs : il m’aime et veut avoir ma réponse ce soir. J’essaye d’esquiver à plusieurs reprises le sujet pour ne pas étaler mes sentiments devant témoin mais il insiste avec ténacité.

Soudain, un groupe de mecs franchit le seuil du bar. Ce sont ses potes qui sont de retour. Ils s’apprêtent à se joindre à nous mais Tovo leur explique qu’il a quelque chose d’important à me dire et les prie de nous laisser seuls. C’est à ce moment-là que la bonne femme me dévisage, signe qu’elle a tout entendu et a tout compris. C’est la première fois de ma vie qu’un mec ne se soucie pas du tout des gens autour pour cracher ouvertement qu’il m’aime. Je commence à lui expliquer qu’il m’attire aussi mais que je veux du sérieux, qu’il me faut un peu de temps pour prendre une décision. Au bout de quelques verres, je lui dis que je dois récupérer mes affaires confiées à mon pote sur la terrasse et que je vais revenir. « Je ne te laisserai pas partir avant que tu me dises ton nom et sans que tu me donnes un baiser en guise d’attente », insiste-t-il très sérieusement. Je me lève précipitamment pour éviter qu’il ne commette l’irréparable devant la marchande, il arrive à m’attraper la main à la sortie du bar, me plaque contre le mur à l’extérieur et me supplie : « Juste ton nom et un baiser s’il te plaît. » « Yvon, c’est mon nom… », articulé-je tout en essayant de regarder les gens autour de nous. C’est trop tard, il me prend la tête entre les mains et me roule une de ces pelles… devant ses potes qui se sont installés aux tables au dehors. Heureusement, un feu d’artifice attire l’attention de la foule, mais ses potes ont tout vu. « Tes potes sont là et ils n’ont rien raté », lui disje. « Tant mieux ! Du coup t’as intérêt à revenir et à ne pas me laisser sur la touche trop longtemps. Une chose que tu ne sais pas, la marchande est ma soeur et je crois qu’elle t’apprécie ! Alors, reviens vite. »

par #Von 

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