Duhamel
15 novembre 2014 - HexagoneNo Comment   //   2649 Views   //   N°: 58

Hexagone: « Rentrer n’est pas une priorité »

Après trente-six boulots, Duhamel Ramananjafy, 25 ans, a enfin réussi à trouver ses marques dans la société française. Homme « libre », il se verrait bien habiter aujourd’hui un pays anglophone, mais pas Mada dans l’immédiat…

Duhamel Ramananjafy est l’avant-dernier enfant d’une famille recomposée qui en compte six. Ce jeune informaticien de 25 ans qui vit en proche banlieue parisienne, a grandi dans le quartier d’Ampandrianomby, non loin de la station météo. Son père, ingénieur en BTP, est originaire de Befandriana-Nord ; sa mère, professeure de mathématiques, de Vatomandry…

À 18 ans, tout juste bachelier, intéressé par les nouvelles technologies, ses parents l’incitent à suivre la voie tracée par sa grande sœur : « Quand on a 18 ans, on est un peu paumé, on fait ce que les parents disent de faire. » Duhamel quitte Madagascar en octobre 2007 : « J’ai fait trois dossiers et j’ai été admis en licence à l’Université de Rouen. » 

À son arrivée, un peu déboussolé, Duhamel est chaperonné par une cousine éloignée : « C’est elle qui m’a tout appris. » Mais à Rouen, un Malgache n’est jamais seul : « Il y a une importante communauté malgache. » Et puis, en cité universitaire, quand on est un tant soit peu sociable, « on se fait rapidement des amis de toutes les nationalités ».

Quitter le cocon familial n’a pas été une mince affaire : « Ce qui m’a tout de suite manqué, c’est la cuisine ! Je mangeais tous les jours des œufs, des pâtes et des sardines. »  Alors qu’il devait bénéficier d’une bourse de l’État malgache, Duhamel ne reçoit rien avant 2011 ! Dès janvier 2008, sans le sou, contraint de se « prendre en charge rapidement », il enchaîne les petits boulots : « En mars 2008, j’étais vacataire au sein de l’université ; durant l’été, j’ai travaillé dans les champs, la récolte du melon et les vendanges, puis, jusqu’en 2011, chauffeur-livreur ». La réception « des arriérés » de sa bourse lui offre une « année sabbatique ».

En juin 2013, titulaire d’un Master 2 en sécurité informatique et, « après 8 mois de recherche d’emploi », parallèlement à un cursus en anglais, Duhamel est embauché dans le secteur informatique en Île-de-France : « Aujourd’hui, je suis salarié, avec une carte de séjour temporaire à renouveler tous les ans. » Duhamel a toujours été très actif (danse, basket…), mais depuis qu’il vit en région parisienne, il sort « beaucoup moins ». En cause, la société de consommation : « Il faut payer pour tout et tout coûte cher. » Le rythme a changé : « Ici, on court dans tous les sens. » Ses fréquentations aussi : « Tout est plus compliqué, le travail, le stress… tout ça a des répercussions sur les relations entre les gens. » Duhamel pointe par ailleurs de nombreuses différences entre les sociétés malgache et française mais il insiste sur l’indépendance de la justice : « Au quotidien, il y a une égalité réelle entre tous les citoyens. Même dans le travail, le supérieur hiérarchique n’a pas tous les droits. »

– Et l’avenir ? Duhamel est un homme « libre » : « Je prends la vie comme elle vient, je suis prêt à toutes les expériences. J’aimerais vivre dans un pays anglophone. Rentrer à Madagascar n’est pas une priorité  pour moi. Peut-être à la retraite. Pas à Tanà, je connais déjà, plutôt en province, j’y serai comme un touriste. »

Texte et photo : #ChristopheGallaire

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