Douche froide
3 mai 2016 - GaysyNo Comment   //   1379 Views   //   N°: 76

Du jour au lendemain, notre paisible vie a basculé. On était dans la merde. Mon patron avait été placé en garde à vue pour abus de confiance, harcèlement sexuel et proxénétisme. Et comme nous vivions sous le même toit, le plaignant m’avait accusé de complicité.

Il racontait que mon patron lui faisait des avances au moment de lui donner sa paye, et qu’il organisait une maison de prostitution : c’était un homosexuel qui accueillait des étrangers pour qu’ils couchent avec des mecs malgaches. Et comme j’étais son assistant, j’étais le rabatteur ! Ce plaignant, c’était le chauffeur du tour-opérateur pour lequel on travaillait. J’étais le seul à savoir au bureau où est ce que mon patron l’avait vu pour la première fois. Et j’étais là lors de l’entretien d’embauche, pour faire la traduction, car mon patron ne comprenait que l’anglais et le chauffeur ne parlait pas cette langue.

Pendant l’enquête, tous mes collègues ont été convoqués pour expliquer et justifier l’objet de notre travail, nos clients, nos circuits, le comportement du patron envers chacun et envers le chauffeur en particulier, le rôle que je jouais dans l’entreprise.
Déjà dans la plainte, j’étais traité de pédé par manque de vocabulaire. Et pendant les interrogatoires, les agents ont pris plaisir à répéter ce mot pour me déstabiliser, pour se moquer de moi ou pour en faire une blague. Et ça passait à toutes les sauces, jusqu’à ce que j’en déduise qu’ils adoraient ça, du moins ce mot. J’ai eu droit à des questions comme : comment je drague, avec qui je suis, comment on fait entre mecs, qui fait quoi… et est-ce que c’est bon ?
Pensant être obligé de fournir des réponses à toutes ces questions embarrassantes, j’ai répondu ouvertement. Et ils étaient tous captivés par le sujet. Même ceux qui passaient dans le couloir s’arrêtaient pour écouter et en rajoutaient, commentaient, et riaient de bon cœur. J’étais mis à nu ! Au moins, ça les a mis de bonne humeur.
Ils ont commencé à prendre un air plus concentré lorsqu’ils m’ont demandé comment et où le chauffeur avait rencontré le patron. J’y étais. Mon patron et moi nous étions rendus à une soirée gay, avec sa toute nouvelle voiture de fonction. Il venait de l’acquérir l’après-midi même. Et c’était lui qui conduisait. Un jeune britannique 27 ans, habitué des soirées bien trempées de Londres au volant d’un minibus tout terrain dernier cri ne passe pas inaperçu. Une fois sorti de la voiture, un jeune homme s’était approché de nous et avait formulé quelques phrases dans un français à peine compréhensible dont le fond consistait à l’aider pour son ticket d’entrée. Mon patron, ne comprenant rien, m’avait prié de traduire. Il lui avait donné un billet de cinq mille Ar et lui avait dit « il faut travailler dans la vie mon gars. » Message que je n’ai pas oublié de traduire à ce jeune homme. Dans la soirée, le jeune homme nous a cassé les pieds pour demander du travail en tant que chauffeur. Le Britannique avait fini par céder en lui proposant de passer au bureau le lundi pour un test. Quelques heures plus tard, il m’avait dit qu’il avait surpris le jeune homme en train de se faire prendre dans les toilettes par un autre mec. D’autres personnes avaient également été témoins de la scène.
Il s’était présenté le lundi, habillé correctement ; apparemment prêt à travailler. Le patron n’était pas là et c’est moi qui l’avais reçu. Par téléphone, le Britannique m’avait dit qu’il voulait donner une chance à ce jeune. Et il avait été embauché. Il était sérieux au début. On ne s’est pas familiarisé avec lui. On a gardé notre vie privée. Au bout de quelques mois, il a commencé à accumuler les conneries. Le boss continuait de lui donner du crédit. Et là, il s’est fait mordre par celui à qui il avait tendu la main.
« Et ton patron alors, c’est un pédé aussi ? Et il a dû coucher avec ce mec. C’est ça l’histoire ! » conclut l’enquêteur.
« Non Monsieur, mon patron n’aime pas les mecs, il est marié et père de deux petites filles, il vient d’arriver à Mada et on partage la maison » lui réponds-je poliment.
« Et qu’est ce qu’il faisait dans une soirée gay alors ? C’est pas pour tirer des mecs ? Hein ? » articula-t-il tout en montant les sourcils, les yeux dans les miens.
« Non, Monsieur. C’est moi qui l’ai invité ce soir-là. Il était curieux de savoir de quoi ça a l’air une soirée gay à Tanà. C’est tout ».
Il m’a fait signer après avoir lu une lettre formulant tout ce que j’avais dit de sérieux et m’a laissé partir. Le lendemain, le Britannique était relâché par le juge d’instruction.

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