Dieudonné Razafinjatovo : L’homme de fer
17 novembre 2016 - DécoNo Comment   //   10176 Views   //   N°: 82

Redonner vie au fer rouillé et à ses artisans trop souvent en marge de la société, c’est l’essence même du travail de Dieudonné Razafinjatovo et de sa femme Violette Ralalaseheno. Tous deux dirigent leur entreprise d’une main de fer mais avec un cœur tendre.

Situés à Akazobe Alasora, à une quinzaine de kilomètres de la capitale, les ateliers de Dieudonné Razafinjatovo et Violette Ralalaseheno s’érigent sur un terrain d’un hectare, constituant un village à part entière. Il est composé d’une boutique, de deux écoles et des ateliers de ferronnerie. Car depuis une vingtaine d’années, le couple s’est spécialisé dans la ferblanterie, la fabrication d’objets de métal (fer-blanc, laiton ou zinc) en feuille. « C’est un héritage de mon père », explique Dieudonné, appelé aussi Donné Vy, et on comprend mieux pourquoi ! « Ma femme est une ancienne athlète de haut niveau et moi un ancien enseignant d’éducation physique. On voulait se réorienter vers autre chose. En 1996, j’ai suivi une formation en design et création, puis j’ai gagné une bourse pour Paris. Là-bas, j’ai découvert une autre façon de travailler le fer, une technique que j’ai ramenée au pays pour passer à autre chose que les seaux et fatapera mitsitsy (réchauds). »

Sa matière première ? Des tonneaux d’huile, de gasoil et des tôles recyclés. Il en tire des abat-jours, du mobilier, des baobabs de décoration ou encore des sculptures d’animaux avec cette finition particulière appelée « métal vieilli » (le fer rouillé est enduit de cire). Sa ligne directrice, donner une âme aux objets du quotidien en se basant sur la culture malgache, la faune et la flore. « J’aime travailler les formes fluides, légères mais je m’inspire aussi des formes géométriques. » En vingt ans, ils ont appris à travailler sur le haut de gamme, le nec de l’artisanat contemporain malgache. Mais Dieudonné et Violette ne travaillent pas seuls. Ils ont créé une entreprise qui fonctionne, sans même qu’il l’aient théorisé, sur un modèle solidaire : les ateliers fonctionnent en fait comme une coopérative de près de 120 familles soit 350 personnes avec cette particularité que tous les artisans sont des personnes en marge de la société : malvoyants, trisomiques, sans-abris, anciens détenus. « Nous ne recevons aucune subvention extérieure. Les bénéfices sont reversés dans la nutrition et l’éducation avec la création d’écoles pour les enfants des artisans, la scolarisation gratuite et l’introduction de l’agriculture biologique. »

Autre particularité, ici les femmes sont plus nombreuses et ont un rôle prépondérant. À commencer par Violette que Dieudonné n’hésite pas à appeler le « maître des lieux » : « C’est elle qui se charge de toute la partie commerciale en participant aux différentes foires internationales en Europe. » D’autres projets sont en cours comme la création d’une plateforme d’art contemporain, le développement d’activités parascolaires avec des ateliers de couture, de théâtre et d’art plastique. Autant de défis qu’ils sont prêts à relever d’une main… de fer !

Contact
Dieudonné Razafinjatovo : 032 48 222 93

COMMENTAIRES
Identifiez-vous ou inscrivez-vous pour commenter.
[userpro template=login]