Descente aux enfers
21 septembre 2018 - GaysyNo Comment   //   986 Views   //   N°: 104

La porte de la cellule s’est fermée derrière moi et le bruit de la serrure me laisse imaginer que c’est la fin de ma liberté. Dans cette salle obscure, seules les voix de ses occupants m’aident à deviner à peu près combien nous sommes à être gardés à vue.

- « Je te conseille de porter à l’envers ton pantalon blanc. Ça t’évitera d’être dans un sale état, en sortant d’ici », formule l’un d’entre eux.

Effectivement, il a raison. Je m’exécute sans attendre. Ma vue s’habitue, petit à petit, à la pénombre. Et je vois douze silhouettes d’hommes dans une salle de vingt mètres carrés. L’odeur nauséabonde commence à me faire tourner la tête. Un des gars allume une cigarette. La flamme de l’allumette laisse voir les traits de tout ce petit monde. Seulement un d’entre eux a une apparence plus ou moins potable. Les autres sont tous sales.

Il y en a un qui a les lèvres et les yeux gonflés, certainement à cause de coups qu’on lui a donné. Ses vêtements sont tachés de sang. La flamme s’éteint et l’obscurité domine à nouveau.

« Pourquoi es-tu ici ? », demande une voix rauque.

S’ils savaient réellement la raison qui m’a conduit dans cette cellule, ils riront tous. Je préfère inventer une histoire de toutes pièces.

« On m’accuse d’un vol que je n’ai pas commis, leur expliqué-je pour faire court.

- Tu as encore de forte chance de retrouver ta liberté », répond une autre voix.

Puis, j’entends un grand soupir. Soudain, un des gars éclate en sanglot en marmonnant des phrases incompréhensibles, truffées de gros mots. Son voisin lui remonte la morale avec un « Courage mec », d’un ton réconfortant. Certains partent dans une discussion relatant leur cas, la raison de leur détention et demandent conseils pour éviter le pire : la prison. Vols, abus de confiance, suspect de complicité de meurtre, fausses accusations et détournement de mineur sont les raisons de notre présence là.

Dans ce monde de brutes, la franchise entre les détenus ressemble à une confession. Chacun choisit son confident. Une sorte de cogitation s’installe pour essayer de trouver la manière d’écoper le minimum de peine par rapport à son accusation. Moi et celui qui a pleuré quelques minutes auparavant restons sans interlocuteur. Je ne fais qu’écouter. Au bout de quelques heures, comme par soulagement de leur mutuel aveu, ils s’endorment tous, sauf moi et le pleurnichard. Je suis venu vers lui, un jeune d’à peine dix-huit ans. Il a fini par m’avouer son cas. Une histoire d’amour entre deux mecs. Son amant a dix-sept ans. Les parents de celui-ci ont porté plainte pour détournement de mineur. En plus, l’un d’eux tient une place importante au tribunal. Ce qui diminue sa chance de s’en sortir. Une histoire qui prend une autre proportion au niveau de son école et de sa famille. Il a du mal à finir sa narration. Il n’arrête pas de pleurer pour ce qu’il endure, la situation malsaine d’une cellule et surtout son mec lui manque énormément.

Lorsque les autres codétenus ont appris sa version, certains ont donné leur avis par rapport à son cas. « Tu t’es fourré dans la gueule du loup », ironise l’un d’entre eux. « Ça t’apprendra à mieux apprécier les filles », commente un autre. « Que ce soit avec un mec ou une fille, un mineur reste toujours un mineur. Mais si ton mec tient à toi, il va faire tout son possible pour te faire sortir de là. La prochaine fois, fais attention à l’âge de celui que tu dragues », est mon avis dans cette discussion.

De l’autre côté des barreaux, la voix du policier criant mon nom nous a interrompus. Mon plaignant a retrouvé son objet perdu et je suis lavé de tout soupçon. A l’accueil du poste de police, la conversation que j’ai eue peu avant m’est revenue. Le mineur et ses parents sont là. Ce premier explique à son enquêteur que c’est lui qui a fait les avances au tout début de sa rencontre avec son mec, qu’il est éperdument amoureux, et que le fait de savoir son mec dans une telle situation le secoue au plus haut point. Il a piqué sa crise laissant l’assistance impuissante. « Sois vous m’enfermez avec lui, soit libérez-le tout de suite. Je vous jure que je suis la source de ce problème, pas lui. Je l’aime, maman. Tu peux comprendre ça », crie-t-il de tout son cœur.

J’ai repris mes affaires, remis mon pantalon jean blanc à l’endroit. Et je suis sorti de la poste de police, en goûtant à ma nouvelle liberté qui n’a pas de prix.

par #Von

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