Dada-Josoa : Ce n’est pas du bidon !
24 avril 2017 - MétiersNo Comment   //   1912 Views   //   N°: 87

Dada-Josoa est très populaire à Ankaditapaka, étant le gardien de la borne-fontaine publique, la « paompy » comme on dit. Certains affirment qu’il est une des personnes les plus utiles du quartier et ce n’est certes pas pour lui cirer les pompes…

Mardi matin, 6 heures, dans une ruelle d’Ankaditapaka. Dada-Josoa, la soixantaine, est déjà assis sur son petit tabouret à côté de la borne-fontaine. Devant lui, une cinquantaine de bidons de 20 litres, tous de couleur jaune, alignés sur une rangée comme un serpentin longeant la ruelle. Sac banane autour de la taille, Ra-Joso pour les intimes, Josoa Ramamonjisoa pour l’état-civil, ouvre et ferme placidement le robinet, prend l’argent et rend éventuellement la monnaie aux kil (diminutif de clients). « Je les appelle ainsi parce que même si ce que je fais un est un service public, au bout du compte on crée une relation fournisseur-clients », dit-il en riant de sa voix un peu enrouée. Sachant que pour remplir un bidon de 20 litres, le kil doit payer 50 ariary.

Dans le quartier d’Ankadidapaka – comme dans tout Madagascar d’ailleurs – très peu de ménages ont accès à l’eau potable chez eux. Pour ses besoins en eau, il n’y a que les bornes-fontaines publiques. Et depuis trois ans, Dada-Josoa est chargé par le fokontany (unité administrative de quartier) de faire le Mpiambina paompy (gardien de la pompe). « Perso je préfère gérant, ça fait plus classe que gardien », lance le vieux blagueur. Un travail qui semble facile mais qui n’est pas de tout repos. Dès 5 h 30, l’activité est intense, car c’est l’heure où les gens partent au boulot et les enfants à l’école. De même le soir après les heures de bureau.

La paompy de Dada-Josoa est en fait ouverte tous les jours (dimanches et jours fériés y compris) de 5 h 30 à 14 heures et de 17 heures à 19 heures. Parfois, la file est si longue que les gens laissent leurs bidons, avec leur nom écrit dessus, ce qui est une façon tacite de réserver sa place dans la queue. Ils en profitent pour aller prendre un mofo gasy, le casse-dalle malgache, et une tasse de café à la gargote d’à côté. « Pendant les heures creuses où il n’y a pas beaucoup de clients, je lis les journaux pour savoir les dernières conneries de nos politiques », raille ce Figaro de la pompe, aussi coupant que le barbier du même nom.

Ancien employé dans une société commerciale de Toamasina, Ra-Joso s’est reconverti en gérant de paompy après un sérieux problème aux chevilles qui a pas mal réduit sa mobilité. Le deal avec le fokontany est clair : chaque jour Ra-Joso lui verse 3 000 Ar et le reste est pour lui. En gros, il lui faut servir 60 clients avant de toucher quelque chose. « Parfois, la recette n’est pas suffisante et je négocie avec le président du fokontany pour régler un autre jour ». Mais c’est très rare ! Chaque soir ou presque, il rentre avec au moins 5 000 Ar en poche. « Mes meilleurs clients sont les marchands de mofogasy qui débarquent à la pompe avec une douzaine de bidons à remplir d’un coup. » Grâce à eux, son porte-monnaie n’est jamais à sec !

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