Crabes de mangrove
Une surexploitation menaçante
En 2013, on jugeait encore que la filière du crabe de mangrove était sous-exploitée. Mais cette année, la donne a changé avec la soudaine ouverture d’un marché vers la Chine, menaçant d’épuiser rapidement la ressource. L’administration des pêches, les professionnels et les ONG tirent la sonnette d’alarme.
Les chiffres font froid dans le dos. L’exploitation de crabes vivants dans les mangroves malgaches est passée de 2 tonnes en 2009 à plus de 800 tonnes en 2013 et elle a atteint 1 400 tonnes en 2014 alors que nous n’en sommes qu’au premier semestre de l’année ! Un développement exponentiel qui s’explique par l’ouverture soudaine du marché chinois. « La pression du marché chinois est telle que Madagascar se trouve déjà devant un schéma de surexploitation de la ressource », déplore le programme SmartFish, une branche de la Commission de l’océan Indien chargée de s’occuper des ressources halieutiques. « Nous sommes désormais devant un schéma de surexploitation et de surchauffe au niveau des marchés », déclare Dominique Greboval, chef du programme SmartFish. Certes, par rapport à la vaste mangrove malgache qui mesure près de 325 000 ha (soit 20% des mangroves africaines), ce chiffre de 1 400 tonnes peut sembler faible, mais la situation risque fort de dégénérer si on continue à ce rythme, s’inquiète un représentant du ministère des Ressources halieutiques et de la Pêche.
Le fond du problème est que les petits pêcheurs malgaches sont un tel état de dénuement qu’ils ne peuvent se permettre de faire l’impasse sur une rentrée d’argent, aussi modeste soit-elle, quitte à piller leurs ressources naturelles pour une petite somme d’argent. Ce qui est humain et pas tout à fait de leur faute, puisqu’ils ne cessent d’alerter les pouvoirs publics sur leur situation précaire et leur besoin d’aides. « On ne sait pas combien ils touchent pour la tonne de crabe, puisque la plupart des transactions se font dans la clandestinité la plus totale. Mais on est certain que c’est insignifiant par rapport au prix final du crabe une fois arrivé en Chine », fait valoir notre interlocuteur.
Le projet SmartFish souligne de plus que les crabes de bons calibres sont réservés aux acheteurs chinois, tandis que les plus petits sont destinés à la consommation locale. Pour remédier à cette pression, des mesures drastiques ont déjà été prises par le ministère des Ressources halieutiques et de la Pêche à travers le programme SmartFish à l’issue de la rencontre qui a eu lieu à Mahajanga les 24 et 25 juillet dernier. Une rencontre qui a vu la participation de l’administration des pêches, des collectivités régionales, des pêcheurs, collecteurs et exportateurs ainsi que des ONG. Il a été estimé que le niveau actuel des captures de crabes était largement supérieur au potentiel maximum des mangroves estimé à 7500 tonnes – une estimation d’ailleurs considérée comme obsolète par les gens du métier car ne tenant pas compte de la dégradation actuelle de ces mangroves. Il a été décidé qu’à part la réforme sur l’octroi et l’assainissement des permis de collecte, une fermeture annuelle de la pêche ainsi que l’augmentation de la taille minimale du crabe capturable (actuellement de 10 cm) seraient instaurées.
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