Christian Razafimahatratra : « Zéro plastique ? »
5 octobre 2015 - ÉcoNo Comment   //   2068 Views   //   N°: 69

Votée en 2014, la loi interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des sacs plastiques devrait s’appliquer ce mois d’octobre. Une loi destinée à protéger l’environnement, mais prématurée selon le président de la Commission du Commerce et de la Consommation de l’Assemblée nationale. 

Pourquoi avoir voté cette loi ?
Le sac en plastique est considéré par la Convention de Bâle comme un fléau environnemental. Donc, dans l’optique de son élimination, mais aussi en application de la Charte de l’environnement malgache, cette loi a été élaborée et votée à l’Assemblée nationale en 2014. Les paysans se plaignent de l’effet néfaste de ces sacs plastiques éparpillés dans la nature. Les champs en sont couverts et les canaux d’évacuation bouchés. Il est normal d’avoir voté cette loi car le monde entier est unanime sur le fait d’en finir avec le sac plastique.

Quels sont les produits touchés par cette interdiction ?
Seuls les sacs plastiques sont concernés. C’est-à-dire les sacs à bretelle ou à poignet ayant une épaisseur inférieure ou égale à 50 microns (0,05 millimètre), cela quel que soit leur format. Il s’agit en gros de ces sacs à usage domestique, qui nous servent à transporter nos courses. Les sacs de conditionnement plus épais, par exemple pour les produits médicaux, ne sont pas visés par cette disposition. Les récalcitrants seront passibles d’une amende de dix à cent millions d’ariary et d’un emprisonnement de six à trois ans, ou l’une de ces deux peines seulement.

Mais le commerce des sacs plastiques fait vivre des centaines de foyers…
Leur production et leur commercialisation engendrent en effet du travail, qu’il s’agisse des employés de ces industries ou des vendeurs. Beaucoup de gens vont donc se retrouver pénalisés par cette loi. Pour les revendeurs, le problème ne se posera si on arrive à interdire leur production, leur importation et leur commercialisation. Je pense que nous n’aurons même pas à sanctionner les petites gens dans la rue qui s’en servent pour leurs commissions. Donc, il va falloir s’attaquer aux sources, notamment les importateurs. Mais, en retour, il faut proposer une alternative et que la transition se fasse en douceur.

À quelle alternative faites-vous allusion ?
Des pays d’Afrique ont déjà adopté cette loi et utilisent les sacs en amidon de manioc (voir article suivant) ou de maïs. C’est bio et en plus ils vont nous aider à valoriser et à donner du travail à nos paysans. Mais à Madagascar, il me semble que nous n’ayons pas trop réfléchi à cette transition et que les industries ne sont pas prêtes à accueillir cette loi.

Seriez-vous en train de dire que nous avons voté une loi qui ne va pas être appliquée ?
C’est une bonne chose de l’avoir votée ! Tous les pays se dirigent vers l’abandon du sachet plastique et beaucoup de pays africains ont réussi leur transition. Mais il faut prendre en compte que nous sortons d’une conjoncture économique difficile et qu’un changement brusque de cette envergure n’est peut-être pas une priorité. C’est peut-être une priorité pour le ministère de l’Environnement, mais pas pour tout le monde. Sans doute octobre était-il un peu prématuré, il fallait d’abord préparer le terrain. Nous verrons bien.

En chiffres​
500 milliards de sacs plastiques (16 000 par seconde) sont consommés chaque année dans le monde.
144 millions. C’est le total des sacs plastiques fournis aux caisses des supermarchés malgaches.
20 minutes. C’est le temps que sert en moyenne (pour les courses) un sac plastique, avant de finir comme sac-poubelle.
450 ans. C’est le temps que met un sac plastique pour se dégrader dans la nature (estimation)

Propos recueillis par #HildaHasinjo

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