Christelle Ratri
28 décembre 2013 - MusiquesNo Comment   //   2384 Views

n°47

Mademoiselle aime la basse

Quand on commence la basse à 5 ans par admiration pour Jaco Pastorius, c’est qu’on a forcément quelque chose que les autres n’ont pas. Surtout quand on a des doigts de fille apparemment peu adaptés à la quatre cordes ! Mais quinze ans plus tard, cela donne le phénomène Christelle Ratri, bassiste de jazz au groove quasi-extraterrestre…

Âgée seulement de 19 ans, Christelle Ratri se range déjà parmi les grands noms de la guitare basse malgache. Toutes catégories confondues : blues, jazz, world, roots… « Le genre de #musiques qu’on n’entend pas tous les jours à la radio et à la télé malgaches », ironise-t-elle. Elle est comme ça, la petite, aussi entière dans ses jugements que dans sa façon de pincer les cordes ! Jouer de la basse pour une femme n’a jamais été un truc évident. Question de doigté. On se souvient tous de l’excellente Tina Weymouth du groupe Talking Heads ou de Kim Deal des Pixies, mais la liste est vite parcourue. D’autant qu’en dehors du rock il n’y a pratiquement personne. Quelques pépites quand même, comme la chanteuse et bassiste de jazz américaine Esperanza Spalding, l’une de ses  grandes références.

« Je ne me suis jamais dit : tiens, je vais devenir bassiste. J’ai toujours gratté, car j’appartiens à une famille de musiciens, mais  c’était plus par plaisir. Jusqu’en 2012 où j’ai eu l’occasion de remplacer un bassiste sur scène, et à partir de là je n’ai plus arrêté… » Quand elle n’est pas en cabaret, son terrain de prédilection, on la retrouve aux côtés de (très) grosses pointures locales, comme Silo ou les groupes Mafonja ou Arison Vonjy. Tout naturellement, son groove ravageur a fait sensation au dernier festival Madajazzcar, en octobre dernier, où elle s’est produite en compagnie de son frère, le guitariste Andry Micka Benkhely, et du batteur Sitraka Andriamora. Une vraie consécration à même pas 20 ans – vous avez dit prodige ?

Comme tous les bassistes, son Dieu de la quatre cordes est  Jaco Pastorius, l’homme qui a révolutionné la basse dans les années 70 par son jeu sans frettes au sein du mythique groupe de jazz-rock Weather Report. « Je me souviens avoir visionné un DVD live de lui. Je devais avoir 5 ou 6 ans, ç’a été un vrai coup de foudre. »

Papa, Professeur de musique, remarque sa fascination et lui offre sa propre guitare basse ! « Il a réduit la largeur du manche pour l’adapter à mes petites mains. » Au fil des années, la fillette parvient à tirer ce son velouté et précis, en slap comme en tapping. Comme Pastorius, elle sait rendre la basse indispensable au sein de l’orchestre, capable d’envolées solo d’une impressionnante complexité.

« On a longtemps défini la basse comme un simple instrument d’accompagnement, c’est une erreur. Dans un ensemble, c’est elle qui sert de support aux autres. Si tu fais une fausse note, c’est tout le morceau qui tombe à l’eau. »

D’où, sans doute, son attitude très concentrée sur scène, le corps très statique comparativement au groove qu’elle dégage. « C’est juste pour ne pas accentuer le poids de la guitare qui est quand même un peu lourd pour moi. Au début, je m’asseyais sur un tabouret, mais à la demande du public j’ai dû prendre la posture debout. »

Si sur son compte facebook, elle mentionne « Situation : en couple », « c’est juste pour limiter les prétendants », assure-t-elle, sa vie de musicienne et d’étudiante (licence de communication en poche), lui laissant peu de temps libre pour cultiver son côté fleur bleue. Jusqu’à présent, son répertoire consiste en reprises de Jaco Pastorius et d’Esperanza Spaldin, mais elle compose à l’occasion, aidée par son père et son frère. Peut-être la matière à un premier album en 2014 ? La belle esquive la question et assure ne pas être pressée. À moins de 20 ans, on la comprend !

Solofo Ranaivo

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