Carnet d’un voyage en forêt équatoriale
11 décembre 2017 - À lire Cultures Lire Livre du mois LivresNo Comment   //   2109 Views   //   N°: 95

Stefano Faravelli, artiste italien, a passé vingt jours dans la réserve de Betampona, « un bout de forêt primaire d’à peine 29,18 km2, dans l’arrière-pays tropical du centre-est de Madagascar », pas bien loin de Toamasina si l’on considère que 50 kilomètres est une petite distance, mais les deux tiers du trajet se font en terrain peu pratiqué. Une aventure « harassante », dit-il sans s’attarder.

Car l’essentiel, en ce qui le concerne, est le séjour lui-même et le carnet qu’il doit en ramener, selon une tradition ancienne que l’usage de la photographie conduit souvent à négliger aujourd’hui : « En m’engageant comme “ peintre agrégé ” dans une expédition scientifique, je voulais en effet résumer les entreprises picturales d’artistes comme Tinayre, des artistes pour la plupart oubliés aujourd’hui. Cette armée de peintres naturalistes auxquels était confiée la description des formes de vie avant que l’appareil photo envahisse la scène avec son fardeau d’objectivité. »

Le résultat est une pure merveille. La traduction française qui vient de paraître d’après l’édition italienne originale est un ouvrage réalisé avec un sens rare de la beauté et de l’équilibre. Les planches scientifiques, comme dans de vieux ouvrages de référence, sont scrupuleusement fidèles aux modèles d’animaux qu’elles alignent comme à la parade. Les échappées vers les paysages, les habitats, les personnages (y compris les membres de l’expédition) sont d’un naturel confondant. Les collages réalisés à partir de documents d’archives ou les superpositions inattendues – un squelette de dodo à côté de l’oiseau qui figure sur la fiche de débarquement à Maurice où Faravelli avait fait escale, par exemple – sont des sources d’étonnement et de réflexion. Réflexion aussi dans le texte qui accompagne les illustrations (car, ici, l’image est reine, non les mots), imprégné de multiples lectures liées au goût presque mystique de l’auteur pour la nature, ou à ce qu’il découvre. Ainsi, il a emporté Le Aye-aye et Moi, de Gerald Durrell, « un petit livre auquel j’ai décidé de faire respirer l’air de Madagascar ».

On lit, on regarde, on s’extasie. Puis on recommence. Car le foisonnement des détails, la précision des traits dans des dessins dont quelques-uns sont laissés à l’état d’ébauches, la richesse des pages écrites et même les notes en fin de volume, tout cela mérite plusieurs visites. Le charme ne s’en épuise pas. Au contraire, il se renouvelle : on ne cesse de repérer de nouveaux éléments qui n’avaient pas sauté aux yeux la fois précédente. Ce livre est de ceux, ils sont rares, qui peuvent accompagner longtemps un amoureux de Madagascar, ou de la nature, ou des hommes. N’importe quelle curiosité, en fait, peut être comblée ici.

Stefano Faravelli, Madagascar, stupeur verte. Elytis, 144 p., 35 €.

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