Cachalot échoué : Le crash du géant
5 juin 2012 - NatureNo Comment   //   1770 Views   //   N°: 29

Les compétences de l’association CétaMada ont été à nouveau mises à rude épreuve le 18 mars dernier, après l’échouage d’un cachalot de 9 m 50 sur la côte est de Sainte-Marie. Il s’agissait cette fois d’un animal mort, d’où une attention redoublée des intervenants en raison du risque de santé publique que ce type d’échouage peut constituer. 

Il est 8 h 15, ce 18 mars, lorsque Arnaud Dheilly, gérant de l’hôtel Boraha Village, est alerté par un piroguier qu’une « grosse masse brune » flotte devant le ponton de sa propriété d’Ambodiforaha. Sans doute une trozona (baleine). L’île est sur la route de leur longue migration qui les conduit chaque année de l’Antarctique aux Mascareignes, et vice-versa, et lui-même est un membre actif de CétaMada, une association engagée depuis mai 2009 dans la protection des mammifères marins autour de Madagascar.

Lorsqu’il arrive sur les lieux, une chose l’étonne. D’habitude, ce sont des baleines à bosse qui longent la côte et parfois s’échouent dans la mangrove, mais là, de toute évidence, il s’agit d’un cachalot (Physeter macrocephalus), reconnaissable à son énorme tête parallélépipédique. Ni plus ni moins que la baleine de Moby Dick… l’un des plus gros cétacés du globe, pouvant atteindre les 20 mètres à l’âge adulte, 57 tonnes bien pesées ! Celui-ci en l’occurrence ne mesure que 9 m 50, et d’évidence il est mort. « On suppose qu’il est resté plus de deux semaines dans l’eau après son décès. Il était très abîmé, sa caudale (queue) manquait et il dégageait de fortes odeurs de décomposition », explique Sophia Rakotoharimalala, la directrice de CetaMada, qui est aussitôt alertée.

L’échouage d’un mammifère marin déclenche à chaque fois une procédure rigoureuse, surtout lorsque l’animal est mort, comme c’est le cas ici. « Les risques de contamination par des bactéries sont réels », explique la biologiste. Fort heureusement, son état de putréfaction avancée a dissuadé les habitants de l’île de consommer sa chair.

Tout au plus ont-ils tenté de récupérer son huile qui peut se monnayer jusqu’à 60 000 ariary le litre, un vrai pactole ! « Le mauvais état du cétacé rend encore plus difficile l’identification des causes exactes de sa mort », regrette Sophia Rakotoharimalala. Il peut aussi bien s’agir d’une collision accidentelle avec un navire que d’un empoisonnement dans des eaux polluées, loin de Sainte-Marie. À moins qu’il ne se soit laissé prendre dans des filets de pêche de navires, quelque part le long de la route de sa longue migration. Le mystère reste entier.

« On a relevé des traces de morsures, mais elles ont dû être infligées post-mortem, car il est impossible qu’un cachalot de cette taille ait été tué par des requins. » Des échantillons de peau et de gras ont également été prélevés pour être envoyés à l’Université de Brest, via l’Institut Pasteur. Ils enrichiront une base de données qui ne cesse de se développer au niveau mondial, permettant une meilleure connaissance de l’écosystème marin et des populations baleinières.

L’élimination de la carcasse est une opération tout aussi sensible. « Généralement on l’enterre pour que le squelette soit plus tard exhumé à des fins scientifiques », explique Sophia Rakotoharimalala. L’animal a donc été porté dans un endroit sûr, non loin de l’hôtel.

Vu sa taille, il a fallu le découper en trois morceaux, avec pas moins d’une centaine de personnes pour le transporter. Chassés pour leur huile qui servait notamment de combustible d’éclairage, les cachalots, espèce protégée depuis seulement 1985, ne seraient plus que de 360 000 dans les mers du globe, quatre fois moins qu’il y a deux siècles. C’est dire que la mort d’un de leurs représentants n’est jamais à prendre à la légère.

#JoroAndrianasolo
Photos : Cétamada 

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