Betampona : La super mare aux grenouilles !
30 décembre 2012 - NatureNo Comment   //   1730 Views   //   N°: 35

Pas plus grande qu’un mouchoir de poche, la forêt de Betampona recèle la plus forte concentration de grenouilles au monde : 76 espèces différentes évoluant sur 2 228 hectares, dont 36 découvertes cette année.
Quasiment le même nombre qu’au Canada et aux États-Unis réunis.
J’y croâ pas ! 

C’est dans la petite forêt de Betampona, sur la côte Est, que deux spécialistes des batraciens, l’un Italien, l’autre Malgache, ont mis la main sur la « mare aux grenouilles » la plus extraordinaire qui soit : pas moins de 76 espèces coassant ensemble sur un espace d’à peine 2 228 hectares, dont 36 totalement inconnues jusqu’à ces derniers mois ! « Betampona, comme Ambatovaky et Masoala, est une de ces forêts pluviales de basse altitude de la côte Est dont on sait qu’elles abritent quantité d’espèces d’amphibiens encore à découvrir.
Comme Blommersia angolafa, observée pour la première fois en 2010, une espèce mesurant 17 à 

21 mm qui trouve refuge dans les feuilles mortes des palmiers », explique Franco Andreone, un des chercheurs de la réserve naturelle intégrale de Betampona : « intégrale » car uniquement ouverte aux scientifiques. 

Président de la Société internationale pour l’étude et la conservation des amphibiens (ISSCA), il est également coordinateur à Madagascar de l’Amphibian Specialist Group (ASG). Une île rêvée pour les chercheurs, car « sur les 6 190 espèces d’amphibiens répertoriées dans le monde, 4 % sont strictement endémiques de la Grande Île ».
C’est le cas de la grenouille tomate (Dyscophus antongilii), de la rainette dorée (Mantella aurantiaca) ou de la grenouille arc-en-ciel (Scaphiophryne gottlebei) qui font l’admiration des amateurs du monde entier. Quant aux 36 nouvelles espèces découvertes cette année à Betampona, il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions, car elles sont toujours en phase d’examen : « Elles sont toutes du genre Platypelis, mais il reste encore pas mal d’études à faire sur leurs structures épidermiques, leurs formes, leurs couleurs d’avertissement ou leurs colonisations mimétiques pour s’assurer qu’il s’agit vraiment d’espèces nouvelles. Une chose est sûre, c’est une découverte capitale à mettre au crédit de l’incroyable biodiversité de Madagascar », souligne le scientifique italien.
Qu’on en juge : l’énorme continent nord-américain ne recèle à lui tout seul, Canada et États-Unis réunis, que 88 espèces de grenouilles pour une superficie un million de fois supérieure à Betampona !

« Un milieu très riche en amphibiens veut dire qu’il est relativement intact, mais pour combien de temps ? », s’interroge Franco Andreone.
La forêt de Betampona est en effet à proximité des terres cultivées, lesquelles s’avèrent polluantes et menaçantes pour les amphibiens du fait de la déforestation et de la pratique du tavy (culture sur brûlis). C’est tout l’objet du Sahonagasy Action Plan que l’ASG est en train de mettre en oeuvre avec l’appui du gouvernement malgache.
« Parmi les mesures les plus importantes, il y a l’information aux populations rurales, via notamment les écoles, pour que la conservation des amphibiens soit vraiment l’affaire de tous », explique le chercheur italien.
La moindre des choses, s’agissant tout de même de la plus ancienne classe d’animaux terrestres, sortie des eaux il y a 370 millions d’années, mais pondant toujours en milieu aquatique.

La forêt abrite également onze espèces de lémuriens dont l’avenir ne laisse pas de préoccuper les chercheurs : notamment pour le lémur noir et blanc à crinière (Varecia variegata) aujourd’hui en danger de disparition.
Betampona est enfin considérée comme un « haut lieu » botanique avec vingt des cent plantes malgaches les plus menacées.
Un sanctuaire biologique unique dans un pays qui a laissé disparaître un million d’hectares de forêts ces vingt dernières années… 

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