Béatrice Randrianarison : Et pourtant elle tourne !
3 février 2015 - MétiersNo Comment   //   2611 Views   //   N°: 61

À une époque, la fonction de reporter d’images était considérée comme réservée aux hommes.
Mais Béatrice Randrianarison, première femme caméraman pour la télévision malgache, a révolutionné cette perception.
Un périple commencé en 1967, qui l’amènera notamment à filmer le Vietnam sous les bombes… 

De nos jours, une femme caméraman n’étonne personne. Mais cela n’a pas toujours été le cas. En 1967, année où Béatrice Randrianarison se fait embaucher à la toute jeune Télévision nationale malgache comme reporter d’images, elle est tout simplement la première femme caméraman à Madagascar. « Et je suis restée la seule pendant plus de dix ans », souligne-t-elle non sans coquetterie. Un métier qu’on disait fait pour les hommes, comme déménageur ou portefaix. Et pour cause, à cette époque antérieure au numérique et à la miniaturisation, les caméras de télévision étaient 

de véritables monstres. « La mienne, une Bell Howell double bande 16 mm, pesait 16 kg. Imaginez une jeune femme trimbaler ça à l’épaule, sachant qu’en plus il fallait aussi tout régler manuellement, le mode automatique n’existait pas encore. »

À l’époque, Béatrice Randrianarison revient d’une formation poussée en France en techniques de prises de vue, ce qui l’incite à postuler à la télévision nationale. D’être une femme ne lui apporte d’ailleurs aucun privilège : elle va en bouffer du terrain, comme les copains, et même couvrir des conflits, bien avant la mode des femmes reporters de guerre ! « On m’a envoyée au Vietnam quand ça pétait là-bas. Pour un reportage sur les conditions de vie des femmes. Sûr que ce n’était pas un job pour les mauviettes… »

Aujourd’hui à la retraite, elle déroule ses souvenirs pour le bonheur de ses trois petits-enfants. Comment à l’époque elle passait pour une « extraterrestre » avec sa caméra. « La télévision était une nouveauté, les gens accouraient de toutes parts quand je débarquais avec ma caméra. Quand je couvrais les matchs de football à Mahamasina depuis la tribune centrale, tous les regards étaient braqués sur moi. Ils oubliaient que c’était sur le terrain que ça se passait… »

Sans même s’en douter, elle filme des moments d’histoire que les archives n’ont pas toujours su conserver. « Je me rappelle avoir couvert la première session parlementaire dirigée par Richard Andriamanjato. J’étais postée au fond de l’hémicycle pour le filmer pendant son discours. Sauf que ma Bell Howell faisait un bruit pas croyable quand elle tournait. Ca le perturbait et il s’arrêtait de parler, tous les députés se retournaient vers moi pour me fixer avec désapprobation. J’étais morte de honte… »

Béatrice Randrianarison a filmé les actualités du pays pendant des années avant de se lancer, dans les années soixante-dix, dans un nouveau challenge : la production du premier magazine télévisé destiné aux femmes, encore une première à Madagascar ! Un rendez-vous mensuel qui va lui ouvrir bien des portes sur l’international, de l’Unicef au Fonds des Nations Unies pour la population. En 1979, elle quitte la Grande île pour vivre au Zaïre, puis au Cameroun. où elle se consacre à la lutte contre le sida.

À son retour au pays, elle va rester très active dans le domaine humanitaire, présidant notamment le Fizoma, un centre de séjour pour les personnes du troisième âge, et le Manaode, un centre d’accueil pour les enfants des rues. Une femme d’image, et presque une icône. 

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