Arrête ton jars !
10 avril 2015 - Fanahy gasyNo Comment   //   1658 Views   //   N°: 63

« Gisa lahy oman-ketsa ka izy indray no avo vava » : le jars qui vole le riz, c’est encore lui qui fait le plus de bruit. Décidément, les Anciens ont su tirer des trésors de sagesse de la basse-cour. Mais comment auraient ils pu passer à côté de ce phénomène à plumes et à bec qu’est le jars ?

Regardez-le frimer au milieu de ses petites oies ! Ça jargonne tant et plus – la femelle, en revanche, cacarde -, ça roule du jabot comme un Aldo Maccione de basse-cour. Pour le côté m’astu- vu, le jars n’a vraiment rien à envier au coq ni au paon ! Mais attention, ses oies sont sa chasse gardée. Si un goujat de l’espèce sous-dominante, un de ces oisons rescapés de la dernière ponte, a le malheur de les convoiter, aussi sec il va lui voler dans les

plumes, de ses belles plumes d’oie dont on fait traditionnellement les duvets. Sans parler de ses coups de bec et pincements qui sont redoutables. Mieux vaut le stopper dans son assaut, sinon il ne restera bientôt plus rien du malheureux oison. D’où, sans doute, l’expression romaine : arrête ton jars, Ben Hur !

Avec prudence quand même. Car même si c’est un homme qui s’approche de ses oies, le jars n’hésitera pas à l’attaquer, le cou au ras du sol, signe qu’il est très énervé : Misoko sahala amin’ny loha gisa, « au ras du sol comme la tête du jars », dit un autre proverbe. Et comme l’instinct grégaire est très développé chez les oies, ces demoiselles vont à leur tour sonner le branle-bas de combat pour voler au secours de leur grand Jojo. Et vous voilà avec une escadrille de becs et de pattes d’oies sur le dos ! Sans parler du raffut que cela fait dans la basse-cour. A rapprocher de ces fameuses oies du Capitole qui sauvèrent Rome d’une attaque gauloise par leurs cris vers –390. Bref, que le jars jargonne ou que l’oie cacarde, ça en fait du boucan !

Il arrive aussi que le jars et sa petite cour, poussés par la gourmandise, fasse quelques dégâts dans la rizière d’à-côté. Naturellement, voyant cela, le paysan muni d’un bâton fonce sur eux pour les déloger. Téméraire mais pas fou, le jars n’a plus qu’à s’éclipser, avec son sérail cacardant à sa traîne, non sans avoir luimême jargonné sur tous les tons son indignation et sa colère, style : « Va donc, hé, petzouille ! » D’où l’expression gisa lahy oman-ketsa ka izy indray no avo vava désignant ces individus qui se tiennent mal en public et qui se permettent en plus d’élever la voix ! Quant au malheureux volatile, le paysan n’a plus qu’à le menacer de loin avec son bâton, l’air de dire : jars à toi si je t’attrape !

par Panah Ranova

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