Ambalavao : La route de la soie
6 avril 2012 - DécoNo Comment   //   3394 Views   //   N°: 27

Tissu de légende, la soie est une tradition multiséculaire des montagnes betsileo. À Ambalavao, Soalandy, l’entreprise de la « belle soie », cultive avec soin ce savoir-faire ancestral, aujourd’hui menacé. 

Étoffe de prestige pour les femmes aisées ou marque de respect pour les morts, le lambalandy (tissu de soie) est plus qu’un vêtement de luxe pour les Betsileo. Pourtant, la tradition séricicole somnole depuis plusieurs années, concurrencée par les importations, plus brillantes, plus exotiques… Petit à petit le savoir-faire se perd, les grands-mères ne transmettent plus l’art du filage, du tissage ou de la teinture, et les mûriers cèdent la place aux plants de tomates ou de manioc. 

Pourtant, à l’entrée d’Ambalavao, un atelier de confection se bat pour maintenir ce trésor culturel. « Pendant des générations, on a fabriqué des tissus de soie dans ma famille. Comme tout le monde autrefois dans la région », explique Arline, responsable de l’atelier Soalandy

Pour que la tradition survive, elle décide de monter avec son mari sa propre entreprise, investissant dans toute la filière, de la culture du cocon à la vente des tissus. Bon an mal an, 

la récolte est de l’ordre de 300 kg de cocons. « J’achète aussi certains cocons sauvages à des paysans locaux, mais les fils sont fragiles, difficiles à travailler ».

La maison familiale vit au rythme des récoltes et des ventes. Autour de la cour intérieure où sèchent des montagnes de cocons, on nettoie, on dévide, on file et on mouline délicatement le précieux fil. À même le sol, des jeunes filles tissent avec adresse des madras à l’aide de machines traditionnelles. La production de l’atelier est exposée à l’entrée, dans un petit magasin aux murs recouverts d’écharpes de toutes les tailles.

« Nous savons confectionner les tissus, mais il nous manque un vrai styliste pour dessiner des vêtements », soupire Arline. Et ainsi sublimer la douceur et la souplesse de ces tissus aux couleurs chatoyantes. « Nous travaillons aussi la teinture, surtout à partir de matières premières naturelles : des plantes bien sûr, mais aussi des écorces ou de la terre qui donne des couleurs chocolat ou prune. »

Les textures sont variées, plus ou moins unies : « La plupart de nos tissus sont en bourrette de soie, formés avec des fibres courtes, du fait de la nature des vers à soie d’ici, les landibe, une espèce endémique », explique Arline. Non contente de faire travailler 25 personnes, sa petite entreprise a aussi une vocation pédagogique : « Nous voulons sensibiliser les clients aux problématiques locales. On cherche vraiment à inscrire notre activité dans un développement responsable ». Pour emporter ses achats, chaque client reçoit ainsi un petit panier fabriqué par des femmes en difficulté à partir de plantes endémiques. La production de la soie betsileo pourrait être le thème d’un écomusée. Avec de la patience et de la volonté, Arline et son équipe espèrent faire de ce patrimoine artisanal un vecteur du développement régional.

#BénédicteBerthonDumurgier 

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