Absoir Mohamed : Mots contre maux
12 janvier 2015 - Comores DiasporaNo Comment   //   2407 Views   //   N°: 60

Son slam scandé en shikomori, la langue comorienne, a constitué l’un des moments forts du grand tournoi Slam’Oi regroupant les îles de la sous-région, qui a eu lieu en décembre dernier à Tana. Pour ceux qui l’ignoraient encore, le slam comorien ne compte pas pour des prunes. 

Il a représenté les Comores en décembre dernier à Tana à la première édition du Slam de l’océan Indien (Slam’Oi). Lui, c’est Absoir Mohamed, 25 ans, le tout premier mpwa nyandu (slameur) comorien. Un authentique précurseur dans un pays où cette forme d’art oratoire est loin d’avoir la dimension qu’elle a acquise à Madagascar, à La Réunion, à Maurice ou aux Seychelles. Natif de Ntsinimoichogo (Sudouest de la Grande-Comore), il est depuis toujours attiré par la poésie traditionnelle (gnandu) et découvre le slam en 2008 en écoutant Grand Corps Malade. Tout de suite, il perçoit les liens à tisser entre ces deux formes de poésie oratoire, la moderne et la traditionnelle, tout comme les slameurs malgaches ont fait avec le kabary.

« Aux Comores, il n’y a aucun producteur, aucun label spécialisé dans le slam. Juste quelques clubs de quartier ou de village qui essaient d’exister. » Et il sait de quoi il parle ! En 2010, il crée avec l’aide du rappeur Cheikh MC le premier Club de slam aux Comores, appelé Les slameurs de la lune. Un collectif qui lui permet de se faire un nom dans l’archipel en enchaînant les spectacles à l’Alliance Franco-Comorienne et dans les villages. Artiste itinérant, il se définit volontiers comme un mpvandzi mwendedji, littéralement un griot qui voyage partout. Il conçoit d’abord le slam comme un acte engagé, le moyen de conscientiser les gens partout où il passe. Sans ornières ni tabous. « Mes textes parlent aussi bien du viol, un phénomène caché mais très présent aux Comores, que de ces jeunes qui s’embarquent au péril de leur vie dans les kwassa (canots de fortune), pensant trouver le Paradis à Mayotte. Des mots contre les maux qui rongent le monde et mon pays en particulier. »

En 2010, Après un concours de Slam organisé aux Comores par l’association réunionnaise Slamlakour, il est repéré par le journaliste et comédien Soeuf Elbadawi (« Ce grand monsieur de la littérature comorienne ») qui lui écrit tout un spectacle de slam appelé Le départ du Comorien. On y voit le slameur épris de modernité et de culture urbaine redécouvrir peu à peu le gnandu et finalement réaliser cette synthèse si chère à Absoir Mohamed. Le spectacle tourne un peu partout dans l’archipel, amenant pas mal de vocations, de telle sorte qu’on peut dire qu’il existe un slam comorien aujourd’hui, qui ne demande qu’à grandir comme ses homologues de la sous-région. Installé à l’île de La Réunion pour poursuivre ses études en communication, Absoir Mohamed en profite pour dire ses textes écrits en shikomori, la langue comorienne. « Une langue qui a naturellement le rythme, faite pour le slam », estime-t-il.

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