Zazaraha : Rija soul
7 janvier 2015 - MusiquesNo Comment   //   2602 Views   //   N°: 60

« D’ef zay » (Ainsi soit-il) est l’immense tube de la fin des années quatre-vingt-dix que tout le monde à Fianarantsoa entonne à la façon d’un hymne des hautes terres. Sans en connaître les auteurs, et c’est quand même ça le plus étonnant ! Un oubli que vient réparer 17 ans plus tard le premier album de Zazarah. Mieux vaut tard que jamais.

En dialecte betsileo, zazaraha signifie littéralement l’enfant prodige, le surdoué, le précoce. The Genius pour reprendre l’épithète attribué à Ray Charles quand il commençait tout gamin à se produire en public. Précoce, Rija Andrianjohany, le chanteur et fondateur du groupe, l’est assurément quand il écrit en 1997, encore au lycée, D’efa zay (Ainsi soit-il). Un titre qui va connaître une monstrueuse carrière à Fianar : là-bas tout le monde est capable de vous le chantonner, se l’appropriant comme un hymne betsileo, avec ceci d’étonnant que personne n’a jamais vraiment su qui en était l’auteur ! Et pour cause, Zazaraha n’a jamais pris la peine de se faire connaître… « On a juste bidouillé une maquette qu’on a envoyée à une radio, et c’est parti comme ça », se souvient Rija. « On n’a pas suivi, on s’en foutait. Mais c’est vrai qu’on se sentait un peu frustrés quand on entendait les gens entonner D’efa zay sans savoir que nous en étions les créateurs. » Une lacune qui est comblée 17 ans plus tard avec la sortie de ce premier album B dia B, qui bien entendu contient le titre mythique mais marque surtout le grand retour du groupe après une décennie de silence. Revoici donc aux manettes : Ratax (batterie), Fefy (basse), Daddy (guitare) et Njaka (percussions).

« Quand on a lancé D’efa zay, on était juste un groupe de copains qui faisait ça pour le fun. Puis on a tous dû aller bosser et c’est comme ça qu’on s’est séparés en 2004 pour rejoindre chacun des formations musicales plus pros, certaines de dimensions internationales. » D’avoir fait les musiciens pour les autres leur a quand même permis de porter très loin les rythmes betsileo, en fait sur les cinq continents. « On est résolument dans cette tradition du rija fianarois », précise Rija. Le rija (ou horija), ce chant polyphonique paysan typique du pays Betsileo, accompagné de battements de mains et qui exprime les plaisirs de l’amour parfois jusqu’au déchaînement. Genre connoté païen et un peu rebelle, le rija subit un temps les foudres des prédicateurs, ce qui le conduisit à s’effacer au profit du zafindraony, réputé de meilleure tenue morale…

C’est bien ce rija festif et spontané que Zazaraha entend moderniser, mais sans le dénaturer. Témoin, cet album 10 titres totalement acoustique où les guitares sonnent parfois comme des kabôsy sur de superbes accords de blues, de soul ou de funk (I Malala). Faut-il pour autant parler de betsiblues, de betsisoul ou de betsifunk ? « On n’est pas des folkloristes repliés sur la tradition des Hautes Terres. On veut faire une musique du monde, mais sans rien perdre de notre identité betsileo. » Tel quel, Zazaraha s’inscrit dans tout un mouvement de relecture de la tradition betsileo, incarné notamment par Oladad, autre groupe de la cuvée 1997 qui n’hésite pas à mêler rija, rap et R’n’ B ! Cet esprit d’ouverture a également amené Zazaraha à enregistrer avec la chanteuse Talike Gellé, son homologue du Grand Sud dont l’esprit de fusion l’a conduite de son côté au bekoblues, au sarajazz, au banafunk ! L’album devrait sortir en février et promet déjà de faire parler de lui. 

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