Un mal pour un bien
11 mai 2018 - Fanahy gasyNo Comment   //   1621 Views   //   N°: 100

« Soa kenda, hahay hitsako, soa lavo,hahay hamindra » peut se traduire par « il est bon d’avaler de travers pour mieux mâcher, il est bon de tomber pour mieux marcher ». Autrement dit, ce qui est un mal pour toi aujourd’hui te sera peut-être un bien demain, car à toute chose malheur est bon !

D’emblée, relevons le menu paradoxe moral contenu dans ce dicton. En effet, comment peut-on souhaiter du mal autres même si c’est pour leur bien : avale de travers (au risque de t’étouffer) et tu apprendras à manger ; tombe (au risque de te casser une jambe) et tu apprendras à marcher. On imagine aujourd’hui, avec l’adoucissement actuel des méthodes d’éducation, que les parents qui appliqueraient ce genre de préceptes sur leur bambin se retrouveraient rapidement à la brigade de protection des enfants pour maltraitance aggravée.

Mais il fut un temps où l’apprentissage se faisait effectivement ainsi, à la dure et en contact direct avec la réalité. Bref que c’est en forgeant qu’on devient forgeron, comme on disait à l’époque où il avait encore des forgerons, après s’être pas mal brûlé les mains et le visage avec son marteau et son fer rouge. Comme c’est en sciant, n’est-ce pas, que Léonard de Vinci !

Bien sûr, ce qui peut être vrai pour quelques personnes ne l’est pas pour d’autres, car il y a des gens auxquels le malheur n’apprend rien. Mais de façon générale, un homme vraiment sage sait en tirer de salutaires leçons pour l’avenir, car cela affermit son expérience. Les anglais ont une très belle expression pour exprimer cela : « Every cloud has a silver lining », tout nuage a sa raie de lumière par où filtre le soleil, toute chose mauvaise a son bon côté. Ce que résume fort bien également l’expression classique « à toute chose malheur est bon », en usage déjà en France au XVIIe siècle, à savoir que souvent l’on tire de ses malheurs des avantages que l’on n’aurait pas obtenus sans eux.

La Fontaine a illustré cette idée dans une de ses fables, Le Mulet se vantant de sa généalogie (livre VI, fable VII), qui met en scène un mulet se piquant de noblesse parce que sa race tient de celle du cheval, en oubliant qu’elle tient aussi de l’âne ! De là ces quatre vers : « Quand le malheur ne serait bon / Qu’à mettre un sot à la raison, / Toujours serait-ce à juste cause, / Qu’on le dit bon à quelque chose. »

Toute expérience, même fâcheuse est bonne, car c’est ainsi que l’on se fortifie. C’est la base même de tous ces romans dits d’apprentissage (pensons à Pinocchio) où le héros va devoir traverser toute une série d’épreuves et d’échecs cuisants avant de découvrir sa vraie nature et son vrai potentiel. « Que cela te serve te leçon », comme le disaient autrefois les maîtres sévères qui maniaient avec autant d’adresse les déclinaisons latines que le panpan cucul. Et soyons sûrs que c’était pour notre bien !

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