Tant va la cruche…
21 février 2018 - Fanahy gasyNo Comment   //   1306 Views   //   N°: 97

« Ny fandio iray siny tsy mahaleo ny fandoto iray tandroka » peut se traduire par « Une cruche d’eau ne peut suffire à nettoyer la saleté dans une corne ». Et c’est d’autant plus dommageable qu’une infime quantité de saleté peut engendrer les plus grands maux si on s’obstine à ne lui opposer que la cruche d’eau…

Comme toujours, il faut saisir le sens profond de certains mots pour comprendre les messages véhiculés par nos ingénieux Ntaolo (Anciens) dans leurs dictons. Ici, fandio peut se traduire par « produit de nettoyage », en désignant le savon mais aussi l’eau qui est le fandio, le purificateur par excellence. De l’autre côté, on a fandoto, la « saleté », une matière répugnante, un résidu potentiellement dangereux, porteur de bactéries, virus et autres saloperies.

Pragmatiques, les Ntaolo relèvent que toute l’eau d’une cruche ne peut venir à bout de l’infime quantité de saleté contenue dans la corne, saleté elle-même porteuse par extension d’infections, de maladies, d’épidémies. Songeons un instant ce que cela peut signifier dans un pays comme le nôtre où, par exemple, l’extrême pauvreté condamne la plus grande partie de population à la défécation en plein air, avec tous les risques sanitaires liés à la présence de ces particules de fandoto que le vent dissémine un peu partout.

Et au bout du bout, il y a la diarrhée (700 000 décès chez les enfants de moins de cinq ans dans le monde) , la fièvre typhoïde, le choléra, l’hépatite, la poliomyélite… Autant de dégâts pour d’aussi infimes quantités de saletés ! Mais si la cruche d’eau ne suffit pas à éliminer la saleté, c’est peut-être qu’il faut s’y prendre autrement, changer de stratégie ? Par exemple, construire des toilettes publiques, voilà qui serait une bonne idée !

Pour en revenir à la corne du dicton, il faut faire remarquer que dans les temps anciens, certains Malgaches conservaient dans le creux d’une corne leurs talismans ou gris-gris de sorcellerie, pendus fièrement à leur cou. Cela est toujours valable de nos jours à en croire ce que l’on dit de ces tristement célèbres brigands qu’on appelle les dahalo. On entend sur eux des faits extraordinaires qui dépassent l’imagination. Comme, par exemple, que les balles des fusils ne peuvent pas les atteindre à cause de leurs fétiches. Simple fantasme ?

En tout cas, il est assez bizarre que malgré les corps d’armée ou de gendarmerie envoyés sur le terrain, les hélicoptères et tout ce qui s’en suit, on n’arrive pas – telle l’eau de la cruche – à en venir à bout. Résultat, une minorité – le fandoto de la corne – impose sa loi à tout un pays. Pourtant une simple goutte d’eau suffirait à neutraliser la bactérie dangereuse contenue dans la corne, mais encore faut-il la détecter ! C’est ce que l’on appelle dans le langage militaire moderne, la « frappe chirurgicale ». De la même façon, un seul gendarme ou militaire serait à même de neutraliser tous les dahalo, s’il savait où frapper ! Sans doute pas chez les bandits eux-mêmes, mais un peu plus « haut », chez les dahalo à col blanc, leurs commanditaires… Lesquels, curieusement n’ont jamais été inquiétés jusqu’ici. En somme, que nous dit ce précepte des Anciens ? Si l’eau d’une cruche ne vient pas à bout de la saleté, essaie autre chose. Ou comme le dit un autre dicton : aux grands maux les grands remèdes !

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