Shao Fanjahkkkagna : L’exil et la gloire
1 février 2016 - Cultures Music MusiquesNo Comment   //   3888 Views   //   N°: 73

Sous son nouveau nom de scène de Shao Fanjahkkkagna, il enregistre aujourd’hui en France son deuxième album : « Dénonciation ». À 37 ans, le pionnier du reggae dancehall malgache n’a rien perdu de sa superbe et entend bien élargir son audience au monde entier. 

Masindrazagna Yavinjary Eric, son nom à l’état civil, plus connu sous celui de Shao Boana. Avant de devenir l’artiste pionnier du reggae dancehall à Madagascar, il a – comme tant d’étudiants malgaches – connu un parcours académique complexe. Diplômé en droit technique des affaires, il a dû trouver des moyens quelquefois risqués pour terminer ses études. Mais c’est précisément cela qui lui a permis de nouer ce « lien charnel » avec la musique. « En deuxième année, j’ai quitté le droit pour la musique. Malgré le succès, je me suis remis en question en me disant que ça n’allait pas être éternel : un roi est fait pour être détrôné, donc j’ai choisi de revenir aux études… »

Entretemps, il a pu sortir un premier enregistrement sur cassette intitulé Lejoma (L’Afro), aux styles très divers mais fondamentalement basés sur le rap. « Je ne voulais pas mettre de frontières sur ma musique car je vis sur une île », confie t-il. En 2005 paraît la compil One Lova, composée principalement de featuring (artistes invités), et un an après, son premier album Unity, peu distribué puisqu’il n’y en eu que 200 copies.

Depuis, Shao Boana se fait discret mais garde toujours le contact avec son public via la Toile, en partageant sur Reverbnation et Soundcloud des musiques concoctées avec les moyens du bord. « J’ai sorti une roots tape artisanale, faite entre potes. On ne vend pas notre musique. N’ayant pas la capacité de nous produire nous-mêmes, on fait comme tous les artistes du tiers monde… »

Mais aujourd’hui, c’est sous son nouveau nom de scène de Shao Fanjahkkkagna, qu’il est en train d’enregistrer son deuxième album Dénonciation. Un curieux titre. « Je suis à la moitié de l’album. Il y aura pas mal de surprises. Je veux créer quelque chose qui inspirera les jeunes de Madagascar », prévient-il. Excédé qu’on apprécie souvent sa musique sans toujours comprendre ses textes, il a choisi de chanter également en anglais et en français. « Lorsque j’ai fait ma tournée en France, j’ai constaté que les Gasy restent toujours dans le cocon communautaire. C’est pour cette raison que nos musiques ne dépassent pas les frontières, même produites à l’extérieur. J’ai donc décidé de chanter dans d’autres langues pour toucher d’autres audiences. »

Mais pourquoi Dénonciation ? Parce que c’est un album qui traite de faits d’actualité pas toujours marrants, en prise directe avec les difficultés de la société malgache. Par exemple, le manque d’intervention culturelle de l’Etat au niveau de la société qui fait que les jeunes artistes parviennent tout juste à survivre. « Aujourd’hui, si je suis en France, c’est néanmoins grâce à la musique. Elle m’a vengé. » Un artiste engagé même à 10 000 km de distance.

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