Sens plastique
13 octobre 2014 - PortfolioNo Comment   //   3223 Views   //   N°: 57

Efiaimbelo père et fils : l’aloalo en trait d’union

Il y a très longtemps, dans le Grand Sud mahafaly, un homme a fait un rêve : il se voyait sculpter un morceau de bois en prenant le superbe collier de sa fille pour modèle, et le bois sculpté lui portait bonheur. Au matin, il se mit au travail, et le résultat fut si beau qu’il ne s’arrêta plus de décorer le bois, avec les mêmes motifs.

On vint de partout pour admirer son œuvre. Cela parvint aux oreilles du roi. Le monarque décréta que désormais toutes ces sculptures lui appartenaient, et ceux qui les voudraient pour en parer leurs tombeaux devraient les lui payer avec un zébu coupé de 8 ans d’âge, un aloalo, ce qui donna leur nom aux poteaux sculptés.

Comme ils sont destinés aux morts, on ne les travaille qu’en dehors du village. Comme ils doivent durer, ils sont issus du bois de Mendoravo, imputrescible, qu’on ne peut abattre qu’au prix du sacrifice d’un zébu. On enduit l’arbre avec le sang de l’animal avant de procéder à la coupe.

Parmi les descendants du sculpteur, il y eut Angalitra à Androka, qui eut pour fils Soroboka, qui eut pour fils Manivake, qui eut pour fils Efiaimbelo. Manivake et Efiaimbelo ont renouvelé l’art de l’aloalo en lui insufflant leur imagination.

De poteau funéraire, aux motifs très codifiés, l’aloalo est devenu un véritable objet d’art, personnalisable, et qui valut à Efiaimbelo les honneurs de l’exposition mémorable Les magiciens de la terre. Efiaimbelo est mort le 24 avril 2006. Son fils Jacques continue le travail, et son petit-fils Hermann lui succédera. Vous pouvez découvrir le travail d’Efiaimbelo à Androka, sur la route du Grand Sud, ou aller l’admirer au restaurant Chez Alain, à Toliara.

Benoît Lasserre : le bois en héritage

De l’autre côté de la mer, dans le Grand Sud de La Réunion, Benoît Lasserre perpétue lui aussi une tradition familiale. Benoît n’est âgé que de quatre ans quand son père disparaît, mais cela n’empêche pas la transmission.

Fasciné par les dessins et la sculpture très moderne qui l’entourent dès l’enfance, il va comme ses deux frères poursuivre un cheminement d’artiste. Alors qu’eux vont apprendre leur métier à l’école des Beaux-Arts, il va découvrir seul la discipline liée à l’art du bois.

Travaillant dans un premier temps pour les églises du Pays Basque, il développera ensuite un style plus personnel, avec une réminiscence de peinture qui le pousse vers les bois polychromes.

Le croquis tient une place prépondérante dans son processus de création, en ce qu’il est capable de révéler ce qui est propre à chacun. Dans la masse du bois, il taille le mouvement sur le drapé des vêtements ou l’envolée des chevelures.

 

Parallèlement à sa fonction d’enseignant, qu’il exerce durant plus de trente ans en pays Basque, il parvient à mener une carrière de sculpteur avec des compagnons de route qui font connaître son travail à Paris. C’est ainsi que deux de ses œuvres seront acquises par François Mitterrand et vont gagner une notoriété de papier dans un ouvrage consacré au palais de l’Élysée. Quand on évoque l’art contemporain, Benoît Lasserre ne se reconnaît guère dans la figuration actuelle qui privilégie l’hyperréalisme et laisse peu de place aux personnalités de « tailleurs ».

 

Arrivé à la retraite, il se rapproche de Madagascar, d’où est originaire son épouse. À La Réunion, il relève le défi du bois de letchi, aussi dense que la pierre. Il n’aura l’occasion d’y exposer que deux fois car ses femmes aux rondeurs dorées sont tellement appréciées des collectionneurs européens qu’il ne parvient pas à les garder. Il a réalisé quelques aloalos, l’un d’entre eux est actuellement visible dans la galerie mauricienne de Pascal Soufflet.

Texte et photos par #SophieBazin

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