Rakoto : « Ma génération est celle du partage »
5 février 2018 - CulturesNo Comment   //   1796 Views   //   N°: 97

Sorti il y a 25 ans, son titre « O ! Ry Zandry Kely » (Petit frère) est encore repris par les générations actuelles. Artiste engagé, Rakoto dénonce l’injustice et parle du courage de ces personnes qui travaillent dur pour survire. Comme dans son treizième album intitulé « Mamasoa », sorti en septembre 2017, dans lequel il rend hommage à une lavandière.

Pourquoi « Mamasoa » ?
Mamasoa est un personnage réel. C’est une femme qui a une vie pas facile, elle exerce avec courage depuis trente ans son métier de mpanasa lamba (lavandière). J’aime raconter l’histoire des personnes que je rencontre, qui me parlent d’elles, comme mon voisin de 92 ans qui a consacré toute sa vie à son jardin. Ou Bozy Kely, une petite campagnarde qui, après l’école et les travaux à la maison, essaie de lire un livre à la lueur de la bougie, mais elle s’endort et rêve qu’elle remplace sa maîtresse d’école. Il y a également Las temporeras, de jeunes travailleuses espagnoles à côté de chez moi qui récoltent les fruits dans les vergers; elles habitent dans une fourgonnette et se déplacent là où elles trouvent du travail. A chaque fois, c’est une leçon de courage.

C’est un album cosmopolite…
Ma génération est celle du partage musical et c’est vrai que Mamasoa est l’album où un grand nombre de musiciens a collaboré, contrairement aux précédents. Cet opus a été réalisé avec Paco Flores avec qui j’ai produit mes cinq albums précédents. Il comporte 13 titres en malgache, français, anglais et espagnol. Comme j’habite sur une colline à la frontière espagnole, j’ai appelé The Hillside Bandy (THB) le groupe qui m’accompagne et qui est par lui-même très cosmopolite : des Malgaches, des Basques, des Français, un Anglais, un Réunionnais et un Mauricien qui m’a d’ailleurs inspiré le titre Olon-mainty hoditra (Homme noir).

Vous restez un artiste engagé ?
Mes influences sont rock, une musique rebelle comme le Street Fighting Man des Stones, mais en ce qui me concerne avec une guitare acoustique et un harmonica. Ma génération a été nourrie par ces musiques où l’on privilégiait la mélodie et c’est l’héritage de tous ces groupes pop anglo-saxons des années 1960-70. Cela m’a permis aussi de m’intéresser davantage à la langue anglaise, sans oublier que les Anglais étaient à Mada avant les Français. Les 13 titres sont des histoires différentes qui changent mais toujours avec comme toile de fond une mélodie que me donne la guitare.

Être loin du pays ne vous empêche pas de vous sentir une part de responsabilité envers les « Zandry Kely » ?
Grâce à Internet et mes amis malgaches qui me rendent visite, j’arrive à suivre un peu les actualités et les événements là-bas. C’est mon ami Haja qui a écrit les paroles de Efao ny adidinao ry vahoaka, il connaît bien la situation et on en parle souvent. Nous sommes impuissants et loin, mais je lui ai dit qu’avec une guitare et un crayon de papier on peut apporter notre petite contribution. J’ai des zandry kely, qui sont bien conscients de la réalité ambiante. Par exemple, la poétesse Zoelytiana qui a écrit Ny tantara no hitsara (C’est l’histoire qui te jugera) ; elle n’est pas la seule à être en colère et je la comprends. Ce qui se passe à Mada me rend vraiment triste ainsi que tous ceux avec qui j’en parle. L’île va à la dérive mais que faire sans le firaisan-kina (solidarité) ? Tous les zandry kely qui ont participé à la réalisation de l’album ont été fantastiques, ils ont du talent que ce soit Vanilla, Zoelytiana, Sawyer, Avotra Lemada, RaTeksa, Safidy ou Haja. Il me semble que cette génération qui a entre 30 et 40 ans n’a pas envie de vivre la vie de ses parents, mais il faut qu’elle soit solidaire.

Propos recueillis par #AinaZoRaberanto

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