Rajaonimanana : Au pays des géants
5 mai 2015 - CulturesNo Comment   //   1486 Views   //   N°: 64

Andrianaina Rajaonimanana est un sculpteur très discret, qui se montre peu dans les médias. C’est en fait à travers ses oeuvres qu’il manifeste sa folie des grandeurs, sa mégalomanie comme il dit. Des sculptures monumentales dont certaines peuvent aller jusqu’à dix mètres de hauteur. 

Son atelier est presque comme le mausolée de l’empereur Qin, en Chine, avec sa célèbre « armée enterrée ». On a l’impression de plonger dans l’histoire de Madagascar quand on y entre. On y trouve les sculptures grandeur nature de personnages ayant contribué à forger notre identité. Ici, Gisèle Rabesahala, la mère de l’Indépendance et ministre de la Culture et de l’art révolutionnaire pendant 14 ans. Là, le général Ramanantsoa, chef d’Etat pendant la transition militaire de 1972 à 1975. Ou encore Rodlish, un des plus grands poètes malgaches, ayant oeuvré lui aussi pour l’indépendance du pays. « Le mot monumental ne concerne pas seulement la taille des oeuvres, mais aussi les sujets qui sont représentés. Tous ces personnages sont des géants », confie le maître des lieux, occupé présentement à modeler le visage en paraffine du regretté Félicien Rakotomalala, le sosie de Théo Rakotovao, prématurément disparu en décembre dernier, lors des pluies, dans un glissement de terrain.

« Je ne sais pas si c’est ce qu’on appelle la mégalomanie, mais moi, quelle que soit la matière utilisée – pierre, résine, plâtre ou paraffine – j’ai toujours envie de faire grand. A quoi bon réaliser des oeuvres minuscules ? L’Art il faut que ça se voie, que ça saute aux yeux », lance-t-il tout en ciselant de délicates rides d’expression aux coins des yeux du jeune artiste disparu. Travaillant d’après photo, il ne laisse passer aucun détail, le moindre grain de beauté est représenté. « Je ne pourrais pas faire cela avec des statues de 50 cm de haut. Plus c’est grand, plus tu peux mettre de choses ! » Tout à fait dans la lignée des hyperréalistes américains des années 1950- 1960. Ou plus simplement un univers à la Madame Tussauds, mais en nettement plus grand ! En 2006, il a réalisé à Libreville au Gabon une oeuvre en plâtre de 15 mètres de haut dans le cadre d’un concours pour la lutte contre le sida. Un travail qui a retenu l’attention du président gabonais de l’époque et qui l’a amené à lui commander un buste 1,30 m de haut.

Malgré ses oeuvres imposantes, Rajaonimanana est plutôt un homme discret qu’on ne voit jamais à la télé et dans les journaux. Du coup, personne ne le connaît même si ses oeuvres font la beauté de la capitale. Parmi tant d’autres, on peut citer la « petite famille » au palais de justice d’Anosy, la « femme au panier » au Marais Masay, la grande stèle dédiée à la lutte contre le sida, ou encore le militaire brandissant le drapeau malgache devant le Sénat. Et tenez-vous bien, toutes ces créations, il les a faites gratuitement, sans demander un ariary en contrepartie ! « J’ai essayé maintes fois de vendre mes créations, mais les autorités ne semblent pas emballées par les représentations sculpturales. Alors, je me sens quelque part obligé d’offrir ces oeuvres qui finiraient par s’entasser chez moi. L’art n’est rien sans le public pour les contempler. » Un grand parmi les grands.

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