Pierre-Loup Lesage , Représentant-résident de PSI à Madagascar, « Sans catastrophisme, il y a un risque net d’explosion du VIH à Madagascar »
5 décembre 2016 - santé SantéNo Comment   //   2852 Views   //   N°: 83

À l’occasion du 1er décembre, Journée Mondiale de Lutte contre le SIDA, nous faisons le point sur l’état de la pandémie avec PSI (Population Services International). Une ONG internationale dont l’action est loin de se limiter à la lutte anti-VIH, comme nous l’explique Pierre-Loup Lesage, son représentant-résident à Madagascar.

Quels sont les domaines d’intervention de PSI Madagascar ?

Voilà maintenant 18 ans que PSI opère à Madagascar. Forte de ses mille employés, c’est la plus grande ONG du pays ; elle intervient essentiellement dans trois domaines de santé : le planning familial et la santé reproductive et sexuelle, la survie de l’enfant et enfin le paludisme. Pour le premier, PSI offre un ensemble de méthodes contraceptives de courte, moyenne et longue durée ; à commencer par les préservatifs avec des produits génériques gratuits ou avec des marques commerciales comme Yes with You ou Protector Plus. Nous sommes également à l’origine de produits contraceptifs très connus et utilisés depuis plus de 10 ans par les femmes malgaches, comme Pilplan ou Confiance. Ces produits nous sont fournis par USAID (Agence des Etats-Unis pour le développement international), mais nous assurons leur « branding » et marketing localement ; nous les distribuons dans les secteurs pharmaceutiques, commerciaux (pour les préservatifs seulement) et communautaires. Concernant la santé reproductive, on travaille sur les soins post-avortements et sur les hémorragies post-partum. On s’apprête d’ailleurs à mettre sur le marché une molécule « miracle » – le Misoprostol – qui devrait permettre de sauver entre 3 000 et 4 000 femmes par an pour des problèmes liés à des hémorragies après avortement, fausses couches ou au moment de l’accouchement.

Vos produits sont gratuits ou très peu chers, comment faites-vous ?

C’est un des leviers du marketing social. Tous nos produits sont soit gratuits soit fortement subventionnés, c’est à dire qu’on les achète et les revend à perte. C’est la grande différence entre PSI et le secteur privé dont on utilise les mécanismes, certes, mais sans avoir vocation à faire des profits. L’ensemble de nos produits est subventionné entre 80 et 97 %, ce qui les rend abordables à la grande majorité des Malgaches.

Les jeunes sont au cœur de vos campagnes…

Nos cibles principales sont les enfants de moins de 5 ans, les mères et, en effet, les jeunes de 15 à 24 ans. Une des raisons majeures pour lesquelles nous intervenons beaucoup auprès des jeunes a trait au sérieux problème de mariages et surtout de grossesses précoces auxquels sont confrontées les jeunes filles malgaches avec des risques majeurs pour leur santé car le corps de la femme n’est pas fait pour accoucher à 14 ans. Sur 1 000 grossesses, il y a environ 160 adolescentes qui sont concernées. C’est d’ailleurs dans ce cadre que nous avons lancé le préservatif Yes with You au début de l’année 2016, produit destiné principalement aux jeunes urbains.

Et pour les moins de 5 ans ?

Il y a énormément de maladies diarrhéiques à Madagascar et ces maladies tuent – ne l’oublions pas. On travaille à la fois sur la prévention, grâce entre autres à de la sensibilisation auprès des parents, et sur le traitement à travers la distribution de produits à base de sels de réhydratation oraux et de zinc. On a également mis au point un produit pour réduire le problème de malnutrition chronique qui affecte près de la moitié des moins de 5 ans – son nom est Zazatomady – et enfin un produit antibiotique – Pneumox – pour traiter les infections respiratoires aigües, en particulier la pneumonie. Sans oublier enfin la lutte contre le paludisme où nous concentrons une grande partie de nos financements.

Quels sont les impacts significatifs depuis votre implantation à Madagascar ?

Pour Madagascar, en se référant aux méthodes de mesure de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), on a calculé que PSI apporte environ un mois de vie en bonne santé à chaque Malgache chaque année. On apporte également près de 700 000 années de protection contre les grossesses indésirées aux couples malgaches. On a également beaucoup contribué à l’augmentation du taux de prévalence de contraception moderne ces deux dernières décennies : 37 % aujourd’hui contre moins de 15 % il y a une quinzaine d’années. On a enfin contribué à la baisse de la mortalité infantile et ainsi permis à Madagascar d’atteindre cet objectif du millénaire majeur.

Et bien sûr la lutte antisida à laquelle votre nom est souvent associé à Madagascar…

On a un important programme (financé par le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme) qui commence en ce moment-même et qui cible essentiellement les populations vulnérables-clés, c’est-à-dire les MSM (les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes) et les TDS (les travailleuses du sexe). On leur distribue des préservatifs gratuits, on fait un travail de sensibilisation, on les dépiste pour le VIH (Virus de l’immunodéficience humaine) et on les réfère lorsque les tests sont positifs vers les centres de traitement public pour le Sida. La prévalence moyenne nationale du VIH à Madagascar est basse, à raison de 0,5 %, mais pour ces deux populations là, notamment les MSM, c’est beaucoup plus élevé, environ 15 %, et cela a récemment augmenté. Donc aujourd’hui, il y a un risque net d’explosion de cette épidémie à l’extérieur de la sphère MSM. Pour les TDS, on est environ à 1 %, cela ne paraît pas très élevé par rapport à d’autres pays d’Afrique Australe mais il y a énormément de maladies sexuellement transmissibles qui font des ravages chez elles et les jeunes en général.

PSI Madagascar en chiffres

Depuis 18 ans à Madagascar
Entre 45 et 55 millions USD par an de budget
10 bureaux régionaux et 14 entrepôts de stockage à travers le pays
1 000 employés
11 millions de moustiquaires distribuées en 2015

Et ces fameux drones PSI de livraison de médicaments ?

Pendant mes bientôt trois ans à la tête de PSI-Madagascar, j’ai souhaité mettre l’accent sur l’innovation. Sous réserve d’obtention des autorisations de l’Aviation civile malgache, je prévois que nos premiers drones soient opérationnels début 2017.

Initialement ils seront au nombre de trois, d’une envergure de quatre mètres et capables de transporter jusqu’à neuf kilos de produits de santé par vol et ce jusqu’à 400 km de distance. Pour ce projet pilote, les drones seront basés à Fianarantsoa et pourront desservir plus de 200 points d’approvisionnement communautaires très enclavés, qui à leur tour servent des populations qui sans les drones auraient peu ou prou d’accès aux produits. Les produits seront parachutés dans des capsules recyclables de 1 kg à 1,5 kg et seront commandés et payés directement par téléphone par les points d’approvisionnement.

Contact
PSI : plesage@psi.mg

Propos recueillis par #DinaRamaromandray

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